Chargement...

 

Pages d'histoire Quand le HMS « Saracen » débarquait des agents en Corse

29 novembre 2019

Fin 2011, on procédait au large de la l’Arinella, au sud de Bastia, à la destruction de deux torpilles datant de la Seconde Guerre mondiale ; l’occasion pour Jean Pierre Girolami de revenir dans La Corse Votre Hebdo (semaine du 9 au 15 décembre) sur l’histoire trop méconnue des « Flottilles secrètes en Méditerranée »* et des batailles navales livrées par les sous-marins dans la mer tyrrhénienne, entre Corse et Italie; l’occasion de rendre hommage à deux de ces submersibles: le « Dzik » et le « Saracen ». Ce dernier connu en Corse pour avoir débarqué la mission « Frederick » dans la baie de Cupabia, entre Capu di Muru et Propriano.

De tous les sous-marins britanniques impliqués dans les combats pour la libération de la Corse, le « Saracen » occupe une place de choix. Parce qu’il a porté des coups sévères aux bâtiments ennemis devant Bastia, mais aussi parce que son « captain Michael Lumby a participé en personne en septembre 1993 aux cérémonies du 50ème anniversaire de la libération de la Corse. Touché par des grenades sous-marines au large de Bastia dans la nuit du 14 août 1943, le « Saracen » finira par se saborder afin de ne pas tomber aux mains de la marine italienne. De ses missions en Méditerranée, il reste une page glorieuse pour la Royal Navy.

Jeune officier, le capitaine Lumby aujourd’hui disparu – n’a que vingt-cinq ans quand il prend les commandes du « Saracen » en 1943. En Méditerranée, sa zone de patrouille s’étend entre Bastia, l’île d’Elbe et Monte-Cristo. Nous restions en patrouille devant Bastia pendant deux ou trois semaines, puis nous regagnions notre base à Alger ou à Malte pour réparer et nous reposer. Nous ne buvions que du thé ou du café, et un petit whisky dans les grandes occasions, » avouera le captain Lumby à « Corse-Matin » en septembre 1993.

Ses ordres sont de torpiller tout bateau ennemi à sa portée mais une mission plus secrète lui est confiée en soutien à la résistance en Corse. Il s’agit de débarquer sur une plage isolée des agents de renseignement envoyés par Alger. C’est ainsi que dans la nuit noire du 11 février 1943, seulement trouée par le faisceau d’un projecteur de surveillance, arrivent à Cupabia Guy Verstraete (alias Vernuge), Charles Andrei et Antoine Colonna d’Istria, Leur mission : observer les mouvements ennemis dans l’île, et en rendre compte à Alger par radio. Découverts et torturés, Verstraete et Andrei seront fusillés à Bastia en juillet 1943. Un récit documenté de Terry Hodgkinson rend hommage à cette action héroïque dans « Frederick la mission oubliée »** récit qui se lit comme un roman d’espionnage.

Le sabordage afin d’éviter la capture

Avant de patrouiller au large de la Corse, le P 427 « Saracen » s’est illustré en mer du Nord contre la Kriegsmarine. A son tableau de chasse en Méditerranée, il compte le sous-marin italien Granita, le chasseur Maria Angelette, les navires marchands Tagliamento et Tripoli, ainsi que le tanker français Marguerite Finally entre les mains des Allemands. Parmi ses coups d’éclat, le navire de gros tonnage Francesco Crispi torpillé le 19 mars 1943 alors qu’il transportait des troupes de Gênes vers Bastia.

C’est dans la nuit du 14 août 1943 que se joua devant Bastia le destin du « Saracen ». Lors d’une patrouille, il est cerné par deux corvettes italiennes, Minerve et Euterpe qui l’attaquent à la grenade sous-marine. Ayant subi des avaries irréversibles, le submersible fut contraint de remonter à la surface vers trois heures du matin. L’équipage se jeta à l’eau après avoir ouvert les robinets, précipitant le « Saracen » vers les profondeurs. Le sabordage fut le seul moyen d’éviter la capture.

Les rescapés furent faits prisonniers, d’abord à Bastia, où ils séjournèrent dans des baraquements avant leur transfert à Civita-Vecchia. Remis aux Allemands, le capitaine Lumby fut emmené en captivité dans un camp près de Brême.

Une plaque commémorative rend compte à Bastia du sacrifice du HMS « Saracen. » Lors de l’hommage rendu en 1993, le captain Lumby un brin d’humour anglais au coin des lèvres assura qu’a la fin de la guerre, « jamais personne ne lui avait présenté la facture du sous-marin perdu en Corse… ».

Jean-Pierre Girolami

* « Flottilles secrètes « . Sir Brooks Richards. Editions MDV
** « Frederick, la mission oubliée ». Terry Hodgkinson.

Copyright ANACR 2A 2020   |   Administration