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Pages d'histoire Premiers contacts avec l’occupant

29 novembre 2019

Dominique Lucchini (Ribellu) : né à Cargiaca en 1919. Fusilier marin de 1937 à 1940. Au Front national pendant l’Occupation, à la suite de contacts avec les résistants communistes du sud. Dans la clandestinité, il est au hameau des Martini (entre Baraci et Vallemale). S’est distingué par son audace et son courage physique. A participé à plusieurs actions, guérillas, embuscades, accrochages (au Travo, en juin 1943).

Les Italiens à Vezzani
Entretien avec Bernard Vincensini réalisé par Marcel Santoni

« En octobre 1942, je me lie d’amitié avec un jeune instituteur d’Aullène, Angelin Chiaroni, arrivé d’Afrique du Nord. Là-bas on s’attend à un débarquement allié. Chiaroni espère bien les voir pousser jusqu’ici. Redoutant l’annexion, il réfléchit aux moyens d’aider à un débarquement des alliés ou de résister aux Italiens s’ils prennent les devants. Il en avait discuté avec un communiste, Charlot Giacomini, traqué par Vichy et réfugié au maquis.
J’écoute Chiaroni d’une oreille distraite. Une seule chose m’intrigue : ce Giacomini, qui n’a ni tué ni volé, pourquoi le pourchasse-t-on ? Mais celà ne m’empêche pas de dormir…
Un beau jour –si l’on peut dire- des gens remontant de Monaccia, la plage d’Aullène, nous apprennent que les Italiens débarquent à Bonifacio. J’avais beau ne m’occuper de rien, ça m’a fait quelque chose… Et puis, ils sont arrivés à Aullène. Toutes les maisons étaient fermées. Toutes. On les fuyait. Non par panique mais ça faisait mal de les voir. (…)
Tout un bataillon de fantassins dans le village ! On en rencontre partout, à la fontaine, au champ. On ne peut pas se regarder éternellement en chien de faïence. On comprend leur langue. Ils comprennent la nôtre…Le fier guerrier de l’armée royale vous fait bientôt pitié. Dépenaillé, mal chaussé, l’arme d’une propreté douteuse, il cherche à se lier, il parle… Ca ne l’amuse pas d’être là. Lui aussi, il voudrait être à la maison, lui aussi il a une femme et des enfants. Il s’attendrit, offre un bout de sucre à un gosse qui, le dos tourné, lui fait un pied de nez. Il a faim. Il regarde d’un œil d’envie les ânes et les cochons qui mangent les châtaignes. Il est là en opération mais il ne tirera jamais sur des Corses. Son frère travaillait comme maçon dans la région avant la guerre…
Celui-là, le « soldat du roi » finira bien par prendre un café, offrir une paire de chaussures contre un peu de farine de châtaigne ou un lonzu. Celui-là, victime lui aussi du fascisme, finira à nos côtés contre les « Tedeschi ».
Mais il y a les Chemises noires et les carabiniers qui espionnent les auditeurs de la radio de Londres, enquêtent sur les opinions, pillent comme en pays conquis, inscrivent des slogans de victoire et apostrophent ceux qui affectent de ne pas les voir. L’arrogance de ceux-là préfigure l’annexion et incite à la Résistance. Ceux-là m’ont poussé au Front national ».

Extrait de « Tous bandit d’honneur » Maurice Choury Ed. sociales. pp.38 et 39

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