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Pages d'histoire Non è lui (Jérôme Santarelli)

29 novembre 2019

(Ce n’est pas lui)

Jérôme Santarelli raconte comment il fut arrêté, avec Jean Nicoli et Jacques Bonafedi. Témoignage recueilli par Alain Bungelmi. GénérationS des Amis n° 5 de janvier 2001. page 4

« Ces trois mots, si douloureusement inscrits dans ma mémoire me ramènent à ce jour de juin 1943 au goût âcre du piège et de la trahison. Depuis le 11 novembre 1942 le fasciste arrogant et dominateur règne en maître. Face à sa morgue, à ses prétentions annexionnistes, le Front National rassemble tous ceux qui viscéralement attachés à la mère patrie, follement épris de paix et de liberté, sont résolus à se battre pour la libération du sol natal.

En ce début de l’été 1943, la montée en puissance de l’action de la Résistance inquiète l’occupant. Il lui faut réagir sans tarder. Le 17 juin des résistants se trouvent en difficulté, pressés par la police italienne. Eclate la fusillade de la Brasserie Nouvelle. Elle causera la perte cruelle de nos camarades André Giusti et Jules Mondoloni sans que l’ennemi aie pu en tirer un quelconque avantage. C’est au contraire la Résistance qui mobilisera d’autres énergies après ce tragique événement. Les forces d’occupation croiront tenir leur revanche lorsque la possibilité leur est donnée, dix jours plus tard, d’appréhender un membre du comité directeur du Front National.

Effectivement, le 27 juin, chez Antoinette et Jacques Bonafedi, 9 boulevard Madame Mère à Ajaccio, nous préparons avec Jean Nicoli la réception du sous-marin Casabianca qui doit nous livrer plusieurs tonnes de matériel de guerre. Les fascistes cernaient l’immeuble. Nous détruisons immédiatement les documents que nous consultions. Toutes les issues étant gardées nous cherchons un refuge dans les caves. C’est là que je suis découvert le premier. Un agent de l’OVRA s’écrie : « Non e lui ! » On apprendra plus tard que nos assaillants étaient en possession d’une fausse carte d’identité portant la photographie de Jean Nicoli trahi par le radio « Pierre ». Le commandant l’Herminier avait déjà exprimé au sujet de ce dernier les plus grandes appréhensions. Nous sommes tous les trois arrêtés. Inconnu des policiers de l’OVRA je serai condamné, ainsi que Jacques Bonafedi, à 30 ans de réclusion. Il en ira tout autrement pour Jean Nicoli identifié comme un des principaux dirigeants de la Résistance.

De cet instant commencera un terrible calvaire. Rien ne sera épargné au combattant qui incarnait si hautement la résistance à l’ennemi. Toute tentative de le faire évader s’avèrera vaine. Ses tortionnaires devront pourtant renoncer à obtenir de lui le moindre renseignement. Le bourreau devra s’avouer vaincu par l’homme enchaîné qui au seuil de la mort écrit à ses enfants : « … Ne pleurez pas. Souriez-moi. Soyez fiers de votre papa, il sait que vous pouvez l’être. La tête de Maure et la fleur rouge, c’est le seul deuil que je vous demande… « . Au matin du 30 août 1943, Jean Nicoli était sauvagement assassiné par la vermine fasciste.

Jérôme Santarelli, déporté, résistant. Président départemental de l’ANACR.

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