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Pages d'histoire Le serment de Bastia

27 novembre 2019

Contre les prétentions annexionnistes de Mussolini

Les prétentions annexionnistes de Mussolini.

 

Comme Hitler1Hitler à richard Breiting, rédacteur en chef d’un journal de Leipzig (juin 1931) :
(in Chronique de la Résistance d’Alain Guérin. Coll. Omnibus p. 177) :
« Nous ne pouvons empêcher que Nice, la Corse et les territoires italiens dans les Alpes reviennent à nos alliés (N.D.L.R. : l’Italie fasciste). Si les Français veulent nous provoquer, ils perdront le Pays Basque, la Bretagne et la Bourgogne qui deviendront alors des états indépendants »
, qui pense que l’Allemagne est à l’étroit dans les frontières tracées par le traité de Versailles, Mussolini considère lui aussi que l’Italie est fondée à élargir son territoire par la conquête de colonies en Afrique et par l’annexion de territoires en Europe. Il considère la Corse comme une « terra irredente », revenant à l’Italie du fait de son histoire, sa langue et ses moeurs. 2« (…) outre les actions de sabotage du matériel proprement dites (attentats, etc.), tout devra être mis en oeuvre aux fins de disloquer l’unité intérieure de nos ennemis, en fournissant les mouvements antisémites, en aidant les mouvements pacifistes (cas de Paul Faure en France), en soutenant les autonomies régionales (Alsace, Bretagne, Corse, Irlande), en accélérant la décomposition des moeurs (…). Toscano Mario. Les origines diplomatiques du pacte d’acier, pp.362-365
Dès 1924, Le Duce a institué un « Comité pour la Corse ». Il consacre des moyens importants de propagande : journaux, travaux (dirigés !) de recherches sur l’histoire et la langue corse par des universitaires italiens. Pascal Paoli est instrumentalisé contre la France : on donne son nom à une rue de Livourne en 1930. En 1936, c’est à Florence que le « babbu di a patria corsa » (le père de la patrie corse) est honoré avec un lampe votive dressée sur une stèle à sa gloire.
Pour relayer sa propagande Mussolini ne peut compter que sur de faibles phalanges :

  • en Italie, quelques Corses irrédentistes intellectuels et étudiants démunis à qui l’Italie octroie des bourses.
  • en Corse, le relai est assuré principalement par le Partitu Corsu per l’Autonomia (P.C.A.) rassemblé autour de Petru Rocca et du journal, A Muvra, qu’il dirige. Mais heureusement, une grande fraction du mouvement corsiste des années 20, emmenée par le poète Maestrale et l’universitaire Paul Arrighi, a refusé de suivre Petru Rocca sur la voie irrédentiste.
  • Mussolini peut compter aussi sur une minorité d’immigrés italiens encadrée par un consulat très actif (un consulat, un vice-consulat et 7 agences en 1937). Mais la majorité des Italiens, s’oppose résolument aux mussoliniens. Elle est constituée notamment par les Italiens qui ont fui leur pays parce que le régime fasciste qui les persécutait. Ils sont organisés dans la Ligue des droits de l’Homme, l’Unione Populare Italiana et le Parti Communiste Français qu’ils aident à se structurer
  • La propagande irrédentiste.

Quel effet a produit la propagande irrédentiste sur l’opinion publique en Corse ?

Cette propagande mussolinienne produit peu d’effets. Mais c’est plus par réflexe patriotique, sur un vieux fonds d’italophobie, que sur une conscience claire du régime mussolinien que la majorité des Corses réagit. « Les réactions aux visées italiennes sont-elles surtout le fait de la gauche corse : une minorité communiste et un fort courant radical-socialiste ainsi que des associations italiennes antifascistes » écrit Hélène Chaubin . « Le parti des ‘Neri’ », la droite corse, poursuit Hélène Chaubin, sans jamais aller jusqu’à prôner le séparatisme ou à soutenir l’irrédentisme, n’est pas sans approuver certains aspects du régime fasciste ». Dominique Paoli, le maire d’Ajaccio, et son conseil municipal adressent leurs félicitations au peuple italien à l’occasion de l’entrée des troupes fascistes en Ethiopie qui ont fait la démonstration du « triomphe de la civilisation latine ». La réaction à la montée des revendications populaires qui amèneront le Front populaire l’année suivante n’est pas pour rien dans la séduction qu’exerce l’Italie fasciste auprès de cette droite et des irrédentistes.

Le serment de Bastia pour confirmer 1789

Au Pascal Paoli, vaincu par les troupes du roi de France en 1769 et instrumentalisé par les fascistes et irrédentistes contre la France marâtre (A Francia matrinia), les Corses, très majoritairement, opposent le Pascal Paoli qui a voulu l’adhésion de la Corse à la Révolution française : « Je préfère de beaucoup la fusion de la Corse avec les autres provinces françaises, à une indépendance proprement dite. Ou bien on nous en priverait, ou bien quelqu’un la vendrait, ou s’en rendrait le tyran » ; déclarait-il en 1790. Plus tard, en 1802, il confirme dans une lettre à l’Abbé Giovannetti : « Louons le ciel, …libertés et bonnes lois, cela notre pays l’a obtenu avec la France grâce à l’un de nos compatriotes (NDLR : Napoléon). Dans le système présent de la politique européenne nous n’aurions pu jouir de ce bien en formant un Etat »

C’est dans le droit fil de ces déclarations que les Corses réagissent aux visées annexionnistes du Duce, exprimées solennellement par son gendre, le comte Ciano, le 30 novembre 1938. Aussitôt sont organisées en Corse de puissantes manifestations. Le 4 décembre à Bastia, la foule acclame le serment lu par Jean Ferracci, le président des anciens combattants de la région bastiaise : « Face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes et sur nos berceaux, nous jurons de vivre et de mourir Français ». Un mois après, les 2 et 3 janvier, le président du conseil, Daladier vient en Corse pour essayer de rassurer une population inquiète à la pensée que l’appartenance de l’île à la France pourrait être négociée avec les forces de l’Axe. Craintes d’autant plus justifiées que des voix s’élèvent – et pas moindres : celle de Pétain pour décrier l’acte fondateur de la Nation : « 150 années d’erreurs » ; craintes avivées parce que les démocraties ont capitulé à Munich quelques semaines auparavant. Dans le journal l’Humanité, Gabriel Peri met en garde : « Pas de Munich pour la Corse »

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