Le texte qui suit a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© en septembre 1957 par Paul Colonna d’Istria (dit Cesari) pour le « Service historique de l’ArmĂ©e et du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre. Y sont recensĂ©s les petits, et souvent Ă©phĂ©mères, groupes de RĂ©sistance surgis de la dĂ©faite française.
Après la chute du rĂ©seau R2 gaulliste, seul le Front National de la RĂ©sistance sera en capacitĂ© d’agrĂ©ger et de fĂ©dĂ©rer la presque totalitĂ© de « ces minces ruisseaux » pour en faire une organisation militaire et politique capable de rĂ©sister Ă l’occupant italien d’abord, puis d’oser une insurrection contre l’occupant allemand avec les meilleures chances de succès. Depuis 1957, la meilleure connaissance qu’on a de cette pĂ©riode nous autorise Ă apporter quelques corrections ou prĂ©cisions, en infobulles, sans pour autant que la rigueur du travail de Paul Colonna d’Istria soit discutable.
DiffĂ©rents mouvements de rĂ©sistance ont vu le jour en Corse, après l’armistice de juin 1940, qui ont eu dans la clandestinitĂ© des fortunes diffĂ©rentes. Presque tous n’ont eu qu’une durĂ©e Ă©phĂ©mère. Ils ont succombĂ© ou ont Ă©tĂ© rĂ©duits au silence, et Ă l’inaction, peu après l’occupation effective par les Italiens alors que leur organisation n’avait pas dĂ©passĂ© la stade embryonnaire. Une fois leurs dirigeants arrĂŞtĂ©s ou traquĂ©s, leurs troupes se sont trouvĂ©es dĂ©semparĂ©es. Elles ont, Ă des dates variables, isolĂ©ment ou en groupes, rejoint l’unique organisation demeurĂ©e active, celle du Front national avec laquelle, intimement mĂŞlĂ©es, elles ont Ĺ“uvrĂ© pour la RĂ©sistance et participĂ© aux combats libĂ©rateurs qui se sont dĂ©roulĂ©s de septembre Ă octobre 1943. Il paraĂ®t nĂ©cessaire et Ă©quitable pour l’apprĂ©ciation des service FFI de la Corse, de considĂ©rer quelques-uns des aspects particuliers de la clandestinitĂ© dans l’Ă®le qui, s’ils Ă©taient pris en considĂ©ration, pourraient justifier un amĂ©nagement des règles Ă©laborĂ©es, pour le mĂŞme objet, en France continentale.
Ces particularités sont de plusieurs ordres:
1/L’isolement de la Corse. Celui-ci rĂ©sulte de son insularitĂ© et des distances considĂ©rables qui sĂ©parent la Corse des bases de Londres et d’Alger. Les liaisons, les ravitaillements, les Ă©vacuations et les renforts en souffrirent grandement et rendirent la tâche des patriotes plus ardue.
2/La densitĂ© de l’occupation. Celle-ci a comptĂ© près de cent mille hommes pour une population ne dĂ©passant pas le double de ce chiffre1On sait aujourd’hui que l’Ă®le comptait 215 000 habitants (Paul Silvani. La Corse dans la Seconde Guerre mondiale. P. 259, soit un ennemi armĂ© pour deux habitants en comprenant parmi ces derniers les vieillards et les enfants. RapportĂ©e Ă la France continentale, cette proportion, jamais atteinte heureusement, aurait nĂ©cessitĂ© la prĂ©sence de 20 millions d’Allemands.
3/Les rigueurs de la surveillance ennemie. Elle rĂ©sultait du relief difficile, de la pauvretĂ© du rĂ©seau des voies de communications, de la densitĂ© de l’ennemi et, plus encore, d’une colonie italienne (20.000 sujets environ)2Au sens strict, c’est Ă dire les personnes ayant la seule nationalitĂ© italienne, il n’y en aurait plus que 6000 Ă la veille de la guerre au lieu de 17000 au dĂ©but des annĂ©es 1920 (HĂ©lène Chaubin. La Corse Ă l’Ă©preuve de la guerre 1939-1945. P 37 infiltrĂ©e patiemment, depuis de très nombreuses annĂ©es, sous forme de main-d’Ĺ“uvre et jusque par le truchement des naturalisations des mariages et des naissances qui suivirent sur place. Intimement mĂŞlĂ©e aux insulaires, confondue parmi eux par les mariages, les intĂ©rĂŞts et la similitude du langage, cette colonie italienne3Par la volontĂ© du rĂ©gime fasciste, de plus de 15 000 au dĂ©but des annĂ©es trente, le nombre des ressortissants italiens Ă©tait tombĂ© Ă 5 Ă 6 000 en 1939 (Cf H. Chaubin. Corse des annĂ©es de guerre 1939-1945. Ed TirĂ©sias). Et parmi eux, une très faible minoritĂ© Ă©tait acquise Ă l’irrĂ©dentisme., dont le sens national fut rĂ©veillĂ© par Mussolini, constitua, sur place, le plus nombreux, le plus redoutable et le plus efficace des services de contre-espionnage de l’ennemi.
4/La pauvreté du sol et des approvisionnements. Celle-ci rendait particulièrement difficile et précaire la vie des hommes du maquis, obligés de compter le plus souvent, pour leur subsistance, sur les trop maigres rations de leurs parents et amis.
5/Le caractère de l’insurrection. Bien que prĂ©parĂ©e pour soutenir un dĂ©barquement libĂ©rateur, les Corses se soulevèrent d’eux-mĂŞmes et provoquèrent ce dĂ©barquement, assurant, par leurs propres moyens, la libĂ©ration des trois quarts de l’Ă®le avant que le premier renfort de l’ArmĂ©e rĂ©gulière 403 hommes exactement) ne prit pied, sans combat d’ailleurs, sur les rivages de Corse, dans des conditions de sĂ©curitĂ© très rĂ©elles, créées et maintenues par les Patriotes insurgĂ©s.
6/La durĂ©e de la clandestinitĂ©. DĂ©comptĂ©e du jour de l’occupation effective Ă celui de la libĂ©ration dĂ©finitive, la durĂ©e du combat FFI en Corse se limite Ă 11 mois. Il n’en faut pas pour autant dĂ©duire que les responsabilitĂ©s des FFI corses furent moindre, comparĂ©es Ă celles de leurs camarades de la mĂ©tropole qui vĂ©curent un temps plus long dans la clandestinitĂ©. Car c’est bien le mĂ©rite des Corses d’avoir rĂ©duit le temps de l’occupation ennemie Ă sa limite infĂ©rieure extrĂŞme. Cela doit donc jouer Ă leur avantage et non Ă leur dĂ©triment. Au reste, au lendemain de la libĂ©ration, sans se soucier de rĂ©clamer des avantages pour la rĂ©compense de leur action clandestine et patriotique, ils s’enrĂ´lèrent nombreux (17 classes furent mobilisĂ©es) dans l’armĂ©e rĂ©gulière et fournirent le gros du contingent français qui, aux cĂ´tĂ©s des AlliĂ©s, participa aux campagnes de l’Ă®le d’Elbe, d’Italie, de France, d’Allemagne, d’Indochine, alors que la majoritĂ© de leurs camarades de la mĂ©tropole – par la force des choses Ă©videmment – ne fut pas engagĂ©e hors de la zone dans laquelle la lutte clandestine avait Ă©tĂ© organisĂ©e.
HISTORIQUE SUCCINCT DES DIFFÉRENTES ORGANISATIONS DE RÉSISTANCE AYANT OEUVRE POUR LA LIBÉRATION DE LA CORSE.
Les renseignements qui suivent ont été recueillis de la bouche même des dirigeants de chaque groupement en cause, au cours de plusieurs séances de travail auxquelles ont été conviés et ont assisté les représentants de tous les mouvements de Résistance de Corse.
a) « Francs-Tireurs ».
Ce mouvement est nĂ© en Corse en aoĂ»t 1942, sur l’initiative du lieutenant (aujourd’hui commandant) Rossi, alias « Le Noir » dĂ©lĂ©guĂ© d’une organisation mère dont le siège Ă©tait Ă Lyon. Les reprĂ©sentants dĂ©signĂ©s ayant assurĂ© la direction du mouvement en Corse sont: AndrĂ© Salini sur la Corse entière et l’arrondissement d’Ajaccio, Jean Santarelli pour l’arrondissement de Sartène, Pancho Negroni pour celui de Bastia. Ă€ Corte, le mouvement se confond avec celui de « Combat » sous la direction de Canavelli. Rossi, tout en demeurant sur le continent, continue Ă assumer la responsabilitĂ© sur le plan dĂ©partemental corse. Il fait, dans l’Ă®le, de courtes et rares apparitions dont la derrière remonte au dĂ©but de 1943. Des adhĂ©rents sont recrutĂ©s principalement dans la rĂ©gion de Bastia dont l’activitĂ© est limitĂ©e Ă la recherche du renseignement d’ordre politique surtout, transmis Ă Lyon par Ă©missaire occasionnel, via Marseille, par voie maritime.
L’armement et l’Ă©quipement des groupes restent Ă l’Ă©tat de projet. Pas de liaison radio autonome. Pas d’armes, en dehors des pistolets et fusils de chasse personnels. En mars 1943, d’accord avec Rossi, dont les dĂ©placements entre l’Ă®le et le continent apparaissent suspects aux Italiens, l’idĂ©e d’une fusion avec le Front national se fait jour. Elle devient un fait accompli en Corse, en mars 1943 dans la rĂ©gion d’Ajaccio, en juin 1943 dans la rĂ©gion de Bastia. Dans la rĂ©gion de Sartène la fusion se fait Ă titre individuel et Ă des dates très variables. Seuls, deux groupes, l’un Ă Sartène avec Simon Bianchini (30 hommes), l’autre Ă Aullène avec François Santarelli (20 hommes) demeurent autonomes mais inactifs jusqu’au jour de l’insurrection, date Ă laquelle ils rallient, en unitĂ©s constituĂ©es, le FN dont ils reçoivent des armes et des directives en vue du combat final auquel ils participent effectivement.
b) « Combat ».
Ce mouvement prend naissance en Corse vers la fin de 1941. Il s’implante principalement Ă Corte, Bastia et Ajaccio. Ses reprĂ©sentants sont Canavelli, et son adjoint Dominique Simonpoli, pour la zone Nord et Giudicelli pour la zone Sud. Son activitĂ© se limite Ă recruter le plus grand nombre d’adhĂ©rents, Ă organiser thĂ©oriquement et schĂ©matiquement une articulation de commandement comportant Ă©tat-major de direction et diffĂ©rents bureaux. Ses moyens d’action ne sont autres que ceux qu’il peut glaner sur place. Son armement est dĂ©risoire en nombre et en qualitĂ©. Aucun moyen de transmission radio autonome ne le relie avec l’extĂ©rieur. Sa vie est de courte durĂ©e Ă partir du moment oĂą l’Ă®le est occupĂ©e. Elle cesse, pratiquement, avec l’arrestation de ses deux principaux dirigeants, c’est-Ă -dire, en janvier 1943 pour la zone Nord (arrestation de Canavelli) – celui-ci, libĂ©rĂ© par la suite, n’a jamais repris la moindre activitĂ© clandestine -; en mars 1943, pour la zone Sud (arrestation de Giudicelli). Après un flottement de quelques semaines au cours desquelles ils se tiennent nĂ©cessairement dans une prudente rĂ©serve, les adhĂ©rents de ce mouvement rejoignent, soit isolĂ©ment, soit en groupes constituĂ©s, la seule organisation effectivement active, le Front national, dans laquelle ils intègrent Ă des dates variables qui s’Ă©chelonnent entre mars et juin 1943.
c) « FFL » (Forces Françaises libres)
La crĂ©ation de ce mouvement est suscitĂ©e en Corse, dès 1941, par Fred Scamaroni. Celui-ci qui a  rejoint les FFL de Londres, rĂ©apparaĂ®t dans l’Ă®le fin dĂ©cembre 19424La mission Sea Urchin commandĂ©e par Fred Scamaroni quitte Alger sur le sous-marin HMS Tribune le 30 dĂ©cembre 1942. Elle est dĂ©barquĂ©e Ă Cupabia [au nord de Propriano] dans la nuit du 6 au 7 janvier 1943 pour en prĂ©ciser les buts et sa ligne de conduite, dĂ©finir et rassembler ses moyens d’action.
Ses dirigeants principaux sont François Giacobbi [Le frère de Paul Giacobbi] pour la Corse entière, Lovichi Ă Propriano, Pedinielli Ă Sartène, Raimondi Ă Ajaccio, Joseph Gambotti Ă Bastia, Marc-Marie Agostini Ă Corte. Il est en voie d’organisation lorsque survient l’arrestation de Scamaroni et de l’opĂ©rateur radio qui lui est adjoint. Dès lors, les principaux dirigeants sont contraints de suspendre leur activitĂ© et de se rĂ©fugier au maquis. En zone Nord, ses adhĂ©rents rejoignent le Front national Ă l’invitation mĂŞme de leur dirigeant, en mai 19435Paul Giacobbi ne rejoint le FN qu’au mois de juillet. Ceux de l’arrondissement d’Ajaccio font de mĂŞme de leur propre initiative et Ă des dates variables entre mars et juin 1943. Ceux de l’arrondissement de Sartène, tentent de rester autonomes, sous la direction de Pedinielli. Mais bon nombre d’entre eux s’intègrent au Front national, dĂ©sespĂ©rant de pouvoir faire mieux dans leur organisation forcĂ©ment rĂ©duite Ă l’inaction 6Paul Pardi et Ange-Brand Defendini du rĂ©seau R2 rejoindront Londres, seront enrĂ´lĂ©s par le S.O.E.. Quelques irrĂ©ductibles Ă l’idĂ©e de fusion, tout en percevant leurs armes FN, font cavaliers seuls le jour de l’insurrection et combattent un peu en marge du FN. Le prĂ©posĂ© Ă la liquidation de ce mouvement, Raimondi, refusant de se rendre Ă toute convocation de la commission FFI, prĂ©cise que son mouvement constitue un rĂ©seau homologuĂ© FFC et qu’il n’a rien de commun avec les FFI. Il y a lieu de regretter cette abstention, car tous les FFL qui, après la disparition ou l’arrestation de leurs dirigeants ont adhĂ©rĂ© au FN, mĂ©ritent que les titres FFI qu’ils se sont acquis, avant comme après la fusion au sein du FN, ne soient pas nĂ©gligĂ©s.
d) « Libération »
Ce mouvement se constitue en Corse comme une succursale de l’organisation de la mĂ©tropole Ă la demande de d’ Astier de Lavigerie et de Bartal. Ses principaux dirigeants dĂ©signĂ©s sont: Negroni pour la Corse entière, Dominique Orsini pour Bastia, Paul Maestracci pour Calvi, AndrĂ© Salini et Don-Jacques Nicoli pour Ajaccio; ces deux hommes Ă©tant par ailleurs dĂ©jĂ engagĂ©s, l’un avec Francs-Tireurs, l’autre avec le Front national. L’activitĂ© est strictement limitĂ©e Ă la recherche du renseignement transmis par courrier spĂ©cial sur la mĂ©tropole. mais ce courrier cesse en fĂ©vrier 1943, date de l’arrestation du principal agent de liaison. Les moyens d’action sont inexistants. Armes, munitions, postes de radio autonomes font dĂ©faut. Après l’arrestation dont il est parlĂ© ci-dessus, le mouvement tombe en sommeil et finalement se rallie, en bloc, au FN en juin 1943.
e)Â Le mouvement Pietri
Il s’agit d’un mouvement local, créé et entretenu dans la rĂ©gion de LĂ©vie-Bonifacio, par le Commandant Pietri, grand mutilĂ© de la guerre 14-18, grand officier de la LĂ©gion d’Honneur, jouissant d’un prestige rĂ©el dans sa rĂ©gion. Cet officier supĂ©rieur est un des premiers Ă prendre publiquement position, par la parole et par Ă©crit, contre la dĂ©faite et plus encore contre l’Italie qui menace la Corse d’annexion. Il se fait, dans son coin, l’âme de la rĂ©sistance Ă ces prĂ©tentions.
ObligĂ©, dès l’arrivĂ©e des Italiens en Corse, de prendre le maquis, il s’entoure de parents, d’amis, de partisans dont il assure, de ses propres deniers, la vie, l’armement, l’entraĂ®nement. Mais ses moyens sont nĂ©cessairement limitĂ©s. Aussi, malgrĂ© son dĂ©sir de demeurer autonome, le Commandant Pietri est-il amenĂ© Ă envisager, dès juin 1943, une fusion avec le FN. Il n’en fera rien cependant jusqu’Ă l’heure ultime du soulèvement. Sa garde de corps demeurant seule auprès de lui, le gros de son organisation s’intègre dans le Front national, chacun Ă titre individuel, sans cesser de lui rester fidèle, sur le plan personnel. A l’heure du soulèvement gĂ©nĂ©ral, tous combattent dans une organisation unifiĂ©e. Le Commandant Pietri, personnellement, participe Ă plusieurs opĂ©rations, non seulement dan sa rĂ©gion d’origine [l’Alta Rocca] mais encore dans des zones Ă©loignĂ©es de celle-ci. Suivant sa propre expression, et au grĂ© des dĂ©veloppements de la bataille qui se dĂ©place. « Il marche au canon ».
f)Â Mission de Saule [Pearl Harbour]
Il s’agit d’un rĂ©seau franco-anglais constituĂ© Ă Alger et aujourd’hui sans doute homologuĂ© FFC. Son activitĂ© dĂ©bute en dĂ©cembre 1942 et prend fin en juin 1943, date Ă laquelle, par suite d’arrestations, il est coupĂ© de ses bases avec l’Afrique du Nord. Dès lors, presque tous ses agents, dont le plus grand nombre provient du Front national, retournent Ă celui-ci oĂą ils exercent cette fois une activitĂ© purement FFI.
g) Mission Andrei [Mission Frederick]
Comme le rĂ©seau prĂ©cĂ©dent, celui-ci rĂ©sulte d’une combinaison franco-anglaise issue d’Afrique du Nord. Sa vie fut de courte durĂ©e (de fĂ©vrier Ă avril 1943), ses membres peu nombreux7avec les trois venus d’Alger et huit autres, ils constitueront ce petit mais efficace rĂ©seau dans la rĂ©gion de Propriano. Ceux qui survĂ©curent Ă la rĂ©pression ennemie rejoignirent, par la suite, le Front national.
h) Mission Bozzi.
Elle est issue d’un dĂ©doublement des Ă©lĂ©ments français de la Mission de Saule. DĂ©pendant directement du S.R. militaire français d’Alger, elle fut victime de l’ombrage que manifesta Ă son sujet, l’Ă©quipe de Saule (après le retour de ce dernier en Afrique du Nord). Les deux hommes qui composaient le noyau de l’Ă©quipe eurent un sort tragique: Michel Bozzi, chef de mission, fut arrĂŞtĂ© et fusillĂ© par l’ennemi; son radio [Chopitel] disparut sans qu’on put jamais Ă©tablir de quelle façon.
i)Â Front national
Il est, Ă sa crĂ©ation, d’essence purement communiste et, Ă ce titre, vit et travaille absolument en marge des autres organisations de rĂ©sistance qui rĂ©pugnent toutes Ă toute idĂ©e d’association avec lui, sous quelque forme que ce soit. Les effectifs et les moyens dont il dispose, ainsi que ses activitĂ©s, sont pratiquement nulles jusqu’en dĂ©cembre 1942. Ă€ cette date, Pierre Griffi, radio de la mission de Saule, fraĂ®chement dĂ©barquĂ© en Corse, recrute en son sein des agents de renseignements8Laurent Preziosi, lui aussi dĂ©barquĂ© avec Griffi (Mission Pearl Harbour), avait en en Corse de nombreuses relations nouĂ©es du fait de ses activitĂ©s militantes au sein du Parti socialiste. Il [rĂ©seau Pearl Harbour] fournit, en contrepartie, des armes lĂ©gères (pistolets et mitraillettes) en vue du combat et, plus immĂ©diatement pour armer les Ă©quipes constituĂ©es pour la rĂ©ception des sous-marins. La majoritĂ© de ces armes est d’ailleurs saisie (Ă Piana) par l’ennemi9Le matĂ©riel dĂ©barquĂ© sur la plage ne put ĂŞtre rĂ©cupĂ©rĂ© le jour mĂŞme mais il le fut quand mĂŞme le lendemain. Voir Mission Pearl Harbour..
Ă€ partir de mars 1943 (mort de Scamaroni), dĂ©sormais seul survivant des organismes locaux jusqu’alors farouchement rivaux, il [le F.N.]voit venir Ă lui quelques individualitĂ©s notoires (Henri Maillot, entre autres) chez lesquelles la raison patriotique l’a emportĂ© finalement sur toutes les objections politiques antĂ©rieures. Peu après mon arrivĂ©e en Corse (dĂ©but avril 1943 ) j’oeuvre moi-mĂŞme dans ce sens et finalement, deux mois après (juin 1943) l’unitĂ© de la rĂ©sistance est pratiquement rĂ©alisĂ©e au sein du FN. Mais cette fusion implique une « dĂ©politisation » sans laquelle l’unitĂ© n’aurait pu ĂŞtre rĂ©alisĂ©e. Dès lors, le FN de Corse, synthèse de la rĂ©sistance insulaire est, apparemment du moins, dĂ©saffiliĂ© du FN de la mĂ©tropole mais sa structure politique, nĂ©cessairement, en marge du combat. Dans tous les rouages de son organisation, Ă tous les Ă©tages et dans tous les compartiments, les responsabilitĂ©s sont attribuĂ©es sans distinction d’appartenance aux organisations antĂ©rieures. J’y veille personnellement sur le plan militaire, et ceux qui reçoivent des commandements sont, pour la plupart, officiers ou sous-officiers de leur Ă©tat, et ce n’est pas sans peine que j’arrive Ă triompher de leur rĂ©pugnance (franchement exprimĂ©e) Ă l’Ă©gard de l’hypothèque communiste dont ils se dĂ©fient Ă l’Ă©poque, et qui continue de peser encore Ă l’Ă©gard des communistes et du FN de la première heure. Certes, ceux-ci sont demeurĂ©s fidèles Ă leur idĂ©ologie et c’est bien en « communistes » qu’ils se sont battus. Mais je dois Ă la vĂ©ritĂ© de dire que la fusion opĂ©rĂ©e, dans la forme mĂŞme oĂą elle fut accomplie, Ă©tait indispensable car l’urgence première Ă©tait la libĂ©ration du territoire. Je dĂ©nie par contre, pour ne l’avoir partagĂ©e Ă l’Ă©poque avec personne d’autre, que la responsabilitĂ© du combat militaire ait Ă©tĂ© influencĂ©e, de près ou de loin, par qui que ce soit. Le FN de la mĂ©tropole n’eut aucune participation dans cette affaire. Ceux qui, en Corse, demeuraient ses adeptes, ne firent que dĂ©marquer mes propres directives. Mais il est vrai aussi qu’Ă l’heure du soulèvement, faute d’avoir pu obtenir d’Alger, en temps voulu, des consignes appropriĂ©es, la prĂ©occupation première des communistes fut de s’emparer des mairies. Il en fut tout de mĂŞme, parmi eux, qui affrontèrent l’ennemi les armes Ă la main et magnifiquement.
Le combat, Ă partir du moment insurrectionnel, se localisa principalement dans la partie orientale de l’Ă®le oĂą se trouvaient les Allemands. Face Ă eux, furent organisĂ©s des secteurs opĂ©rationnels pendant que, dans la zone occidentale, le reste de nos forces demeurait l’arme au pied, prĂŞt Ă intervenir contre les Italiens dont la neutralitĂ© dĂ©clarĂ©e, mais Ă©quivoque, nous contraignait Ă une vigilance permanente.
GĂ©nĂ©ral Paulin COLONNA D’ ISTRIA (alias Paul CESARI)