Chaque anniversaire décennal de la libération de l’île amène son lot de scoop que les médias corses, peu regardants, nous livrent sans filtre. Avant même que ne commencent les commémorations, on retiendra déjà cette année une étonnante révélation pour les Ajacciens : selon l’interview donnée par Isaline Choury sur RCFM (1), il a fallu attendre l’année 2009 pour que, depuis la Libération, la résistance insulaire soit enfin célébrée comme elle aurait toujours dû l’être.
Sur les ondes de RCFM elle déclare que 2009 fut un tournant pour la mémoire de la Résistance. Jusque-là, les cérémonies du 9 septembre occultaient « ce qui s’est réellement passé ». Autrement dit, le rôle de la Résistance corse était escamoté pour donner la primauté au militaire, à l’armée venue d’Algérie. 2009, on s’en serait douté, c’est l’année où Isaline Choury aurait décidé de s’occuper de la Résistance en Corse et coïncidence, ce début de 21ème siècle a vu la disparition de la plupart des derniers résistants dont on peut inférer qu’ils n’ont pas été capables de perpétuer le souvenir de cette glorieuse page d’histoire qu’ils ont pourtant écrite. Pire peut-être, ils auraient consenti à ce mensonge. La mémoire suicidée.Isaline Choury se dit ravie du déroulement de la commémoration de l’insurrection cette année 2023 à Ajaccio : « Enfin on ne fait pas que du militaire ! car pendant des années, jusqu’en 2009, il n’y avait que des défilés de voitures avec des militaires. Je ne comprenais pas : mais où est le Front National de Libération qu’il y a eu en Corse ? où sont les patriotes corses qui se sont libérés sans l’armée [sic] ? où est l’insurrection du 9 septembre ? on était le 9 septembre et il n’y avait rien. »
On apprend dans cette interview que c’est Isaline Choury elle-même qui a corrigé le discours prononcé par la présidente de l’ANACR 2A en 2009, Jacqueline Wroblewski ; elle « se contentait de reprendre les discours de ses prédécesseurs » [Pour ne citer que les derniers : Jérôme Santarelli, Albert Ferracci, Charles Luzi et Arthur Giovoni en 1993]. « Tout ce que tu racontes, dit-elle à J. Wroblewski, va être ridicule parce que moi [avec mon exposition] je raconte la vérité historique ». En 2009, écoutant ses conseils, la présidente de l’ANACR 2A corrige donc son discours « Et pour la première fois, le 9 septembre, devant le monument de la Résistance (2), elle a raconté le 8 et 9 septembre tels qu’ils se sont passés. Et c’était la première fois depuis la guerre [sic]. Et à partir de là, j’ai eu des embûches. On a essayé de m’empêcher. Sans arrêt je suis intervenue tous les 9 septembre. »
65 ans après, la vérité avait enfin percé selon Isaline Choury. Elle se félicite que « … dorénavant, c’est la fin de toutes les inventions volontaires ou non ». Elle poursuit en expliquant que elle ne travaille qu’avec des archives, entre autres celles du journal Le Patriote tiré sur une imprimerie que « … [son] père a fait installer dans la grotte de Porri ». Affirmation démentie par Léo Micheli qui fut le responsable des Jeunesses communistes et du Front patriotique des jeunes, un des « architectes » du Front national en Corse. Léo Micheli, lui, témoigne sur le site de Terre Corse (PCF Haute Corse), par le menu détail, que ce sont Emile Reboli, Robert Pedeni et lui-même qui ont installé le matériel d’imprimerie que Reboli et Pedini avaient volé à Bastia. Jamais il n’est fait mention de la présence de Maurice Choury à Porri. Alors, une invention d’Isaline Choury ? volontaire ou non ? On espère que ses archives parleront pour nous prouver sa vérité.
Andrée Vespérini et Antoine Poletti.
(1) Interview d’Isaline Choury à RCFM 5.09.2023. Emission I giranduloni.
(2) A la demande de l’ ANACR 2A, ce monument a été érigé en 1990 avec les fonds de la municipalité d’Ajaccio (Maire Charles Ornano) sur un emplacement cédé par la Chambre de commerce.