Il y a des disparitions qui sont des symboles. Celle de Robert Hébras en est une. L’ultime survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane s’est éteint samedi 11 février. Toute sa vie a été un combat pour la mémoire des 643 victimes du village ce funeste 10 juin 19441Parmi les victimes d’Oradour-sur-Glane, une famille originaire de Corse : Félix Aliotti, son épouse Clara 23 ans et leur trois filles, Christiane 4 ans, Marie-Christine 2 ans et Michelle 2 mois. Lui, fusillé et brulé dans une grange, Clara, son épouse et ses filles brulées dans l’Eglise. (Renseignements fournis par le cousin de Félix Aliotti, Mr Salicetti Augustin. Loreto-di-Casinca). Et au prix d’un grand effort sur lui-même – il nous l’avait expliqué lors des Rencontres-Cinéma-Histoire en 2013 et 2014 à Ajaccio – il a surmonté sa haine pour les massacreurs d’Oradour afin de porter un message de paix et de réconciliation avec l’Allemagne et l’Autriche. Il était souvent invité dans ces pays pour témoigner, auprès des jeunes notamment. Et combien en a-t-il accueilli à Oradour, venant de France et de toute l’Europe pour leur dire son espoir d’une Europe en paix, guérie des extrémismes, de l’antisémitisme, de ses démons xénophobes, de ses nationalismes vétilleux et agressifs dont l’Ukraine offre le spectacle ?
En 2001, dans une brochure, « Oradour-sur-Glane, le drame heure par heure », il avait fait la narration détaillée de cette journée du 10 juin 19444 qui fit 643 victimes dont plus de la moitié sont des femmes et des enfants. En exergue, il avait écrit : A tous ceux qui, à travers les siècles et le monde, ont subi l’intolérance, la haine et la violence de la part d’autres hommes » .
En 2014, il publie un de ses derniers témoignages : « Avant que ma voix ne s’éteigne ». Le livre se conclu par le récit qu’il fait de la visite dans l’église en ruine d’Oradour-sur-Glane par les deux présidents allemands et français, Joachim Gauck et François Hollande – c’était le 4 septembre 2013. Dans l’église où périrent trois-cent – cinquante femmes et enfants, les deux présidents et Robert Hébras se sont recueilli devant ce qu’il reste de l’autel calciné. Puis, selon le protocole prévu, Robert doit se retirer et laisser seuls les deux présidents afin que soit fixée l’image de la réconciliation franco-allemande. Robert Hébras fait alors mouvement pour reculer et se retirer. Mais bousculant le protocole, les deux présidents le retiennent et « … c’est là, écrit Robert Hébras que nous nous sommes tenus par la main et que nous nous sommes pris par le cou. […] A Oradour, l’église est le symbole de la barbarie, et c’est dans ce lieu sacré qu’il fallait faire l’union. […] C’est difficile à dire mais je me demande si c’est ma place : j’aurai tellement préféré que Robert Hébras restât un anonyme dans un joli petit village comme celui d’Oradour-sur-Glane qui n’aurait jamais connu cette horreur »
La voix de Robert Hébras est éteinte aujourd’hui. A nous de lui faire écho pour qu’elle continue d’être entendue et son message parvenir aux jeunes générations.