Jean-Etienne Lefevre né en Algérie à Uzès le Duc le 8 février 1918, est originaire du village de Quercitello en Haute-Corse par sa mère née Pompéi. Après une scolarité primaire à Oran, il poursuit ses études secondaires au Lycée de Bastia avant d’intégrer l’école des Beaux-Arts de Paris dans le département peinture. Son cursus est interrompu par la conscription (classe 38) ; il est incorporé à Corte et maintenu sous les drapeaux jusqu’à la démobilisation. Il rejoint alors Alger où résident ses parents pour reprendre ses études aux Beaux-Arts d’Alger. C’est là qu’il est contacté par Dominique Grimaldi de Cervione pour rejoindre la Résistance comme il en avait exprimé la volonté. En novembre 1942, il s’enrôle dans la Résistance faisant partie de l’ « Organisation Combat », suit un entraînement commando pendant quatre mois auprès des forces britanniques ; il est le seul originaire de Corse dans cette formation d’instructeurs.

« Le 1er mars 1943, par ordre des autorités françaises, le Commandant de Gendarmerie Paul Colonna d’Istria est venu me chercher pour me rendre au Club des Pins à la maison Sidi Ferruch réquisitionnée par les services anglais ».  Le 2 mars 1943, il embarque à Alger sur le sous-marin Casabianca pour une mission sur les côtes de Provence (rocher d’Escudelier), puis en Corse (mission Pearl Harbor). Le 10 mars avec trois jours de retard sur le délai prévu, il est débarqué avec le radio Pierre Luigi dans l’anse de Canella. Ils sont pris en charge dans une barque pilotée par Paul Cinquini de Solenzara et déposés à terre. Sous le nom de Paul, il rencontre le commandant De Saule chef de la mission Pearl Harbour (dans la propriété de Dominique Poli à l’embouchure du Travo), puis se rend seul à Bastia en train pour accomplir le reste de sa mission. Sa boîte aux lettres est commune avec celle du Front National située à l’épicerie du Cours Paoli, ses contacts sont Dominique Poli et Colonna d’Istria eux-mêmes en liaison avec Pierre Griffi et Jean Nicoli. Il est caché chez Paul et Jeanne Allegrini née Luccioni, sa cousine et son agent de liaison. Grâce à eux, il échappe à la rafle des résistants réunis dans l’immeuble du café Franceschetti. Il était du groupe qui devait libérer Jean Nicoli lors de son transfert prévu par par le train, puis annulé.

Sa mission accomplie, il rejoint Ampriani et Tallone dans les familles Geronimi et Renucci ; il crée un groupe d’une quinzaine de volontaires dans le secteur de Pianello, Zuani et Pietraserena pour préparer des parachutages. En font partie Don Charles Tristani, adjudant-chef à la retraite à Zalana, le curé Negroni, François Ghilardi membre du Front National à Bastia. Son PC est le couvent de Zuani où travaille Monsieur Scoscia qui leur apporte son aide au péril de sa vie.

Un de ces parachutages a lieu à la chapelle Saint Vincent au lieu dit « I Canali » (commune de Pianello) par une nuit de pleine lune. Un message de Radio Londres lui est directement destiné : « les couleuvres bien pensantes aiment dormir au soleil » ; les 300kg d’armes anglaises et américaines sont acheminés à dos de mulets, stockés puis distribués. Un autre parachutage d’armes et de nourritures a lieu à Moïta avec l’adjudant-chef en retraite Fraticelli.

Lors du soulèvement du 9 septembre, avec trois cents résistants parmi lesquels des Italiens anti-fascistes et des gendarmes opposés à la collaboration, il participe à une opération pour forcer les Allemands à évacuer le Pont de Cursigliese dans le secteur du Tavignano sur la route de Corte à Aléria. Au cours des mitraillages, il y fait prisonnier un officier supérieur Allemand blessé et abandonné par les siens, avec comme couverture celle de Monsieur Maurizi, grand blessé de la guerre de 1914-1918, volontaire pour cette dangereuse opération.

A la libération de la Corse, « à mon retour à Alger, à titre allié, je suis nommé commandant dans le SAS, les services anglais m’offrent à nouveau une mission et me décorent de la « Most Excellent Order of the British Empire. Je préfère retourner dans l’armée française en tant que Caporal Chef dans les commandos de combat du Général Gambiez ». Détaché au Service géographique de l’armée, il participe à la percée en Allemagne jusqu’à Solingen en passant par le territoire de Belfort et l’Alsace. Il est démobilisé en 1945.

 A 27 ans, décoré de la médaille militaire, de la Croix de guerre avec palmes, il fait le choix du silence par fierté et pudeur. Plus tard il choisit de s’installer comme cultivateur à Quercitello où il consacrera son existence à sa famille et à la peinture. Il y meurt en 1994.

Sa vie durant, Jean-Etienne Lefèvre s’attachera à transmettre les valeurs humanistes et le sens de l’honneur dont il avait fait preuve tout jeune homme par son engagement dans le combat partagé avec ses compagnons d’armes, contre nazisme et fascisme au service de son île et de la France.

Lien : 1942-1943. Algérie-Corse, destins croisés