Godefroy (dit « Fred »), François-Jules Scamaroni, est né le 24 octobre 1914 à Ajaccio. Son père, mort à 47 ans, d’abord avocat au barreau de Paris, a opté pour une carrière préfectorale qui s’achève dans le Loiret. Sa mère, Charlotte de Peretti, soeur de Jean de Peretti est née à Ajaccio en mars 1891. Fred Scamaroni a deux soeurs, Marie-Claire, l’ainée, et Annick, la benjamine. Cette famille est proche des milieux radicaux-socialistes.

Fred Scamaroni, étudiant en 1934, participe aux côtés de la gauche, aux manifestations de février 1934. Il obtient une licence en droit et passe le concours de chef de cabinet de préfecture. Il fait ses débuts à Besançon après un service militaire effectué à l’ Ecole d’officiers de réserve de Saint-Maixent. En 1937, il est sous-lieutenant au 65e régiment d’infanterie de Nantes.

Pendant la Guerre

Quand la guerre commence, en 1939, il est chef de cabinet du préfet du Calvados. Maintenu à son poste civil, il obtient d’être affecté, à partir du 4 septembre, à un régiment de réserve d’infanterie cantonné dans le Nord, puis, sur sa demande, en décembre 1939, à la base aérienne de Tours où il obtient, le 17 mai 1940, le brevet d’observateur en avion. Il est sérieusement blessé deux jours plus tard.
Pendant la période de l’exode, il réussit, le 16 juin, à rejoindre sa base à Tours, puis, avec d’autres officiers de l’armée de l’Air, il gagne St-Jean-de-Luz. Le 21 juin, une opportunité de gagner l’Angleterre s’offre à eux : 110 volontaires peuvent s’embarquer sur deux croiseurs polonais qui arrivent le 23 à Plymouth. Le 26, Fred Scamaroni signe son engagement dans les Forces françaises libres. Volontaire pour l’opération Menace, il quitte Liverpool, le 31 août 1940, vers la Sierra Leone, puis vers Dakar, où il participe, le 23 septembre, à une mission de négociation auprès du gouverneur général Boisson. Immédiatement arrêté, il reste emprisonné dans des conditions très éprouvantes jusqu’en décembre 1940 à Dakar, puis à Bamako et à Alger. Ramené en France, malade, il est transféré à la prison de Clermont, jusqu’à sa libération le 2 janvier 1941.
Révoqué du corps préfectoral, il occupe un poste subalterne au secrétariat d’Etat au Ravitaillement à Vichy, ce qui lui donne des motifs officiels pour se déplacer. Il se rend en Corse en avril 1941 après avoir pu être confirmé comme agent de la France libre. A Vichy même, il a déjà créé avec quelques amis le réseau de renseignement militaire Copernic. Il a pu avoir des contacts avec P.H. Teitgen et H. de Menthon, fondateurs du mouvement Liberté.

Ses objectifs majeurs sont en Corse, son pays natal, dont il mesure toute l’importance stratégique et où il espère un débarquement allié, qui serait préparé et soutenu par le réseau FFL R2 Corse, sous l’autorité du général de Gaulle. Il y fait un deuxième voyage en octobre avant d’être rappelé à Londres en décembre 1941. En 1942, il est intégré à l’état-major particulier de De Gaulle et suit un stage de formation au BCRA . Son pseudo est « François-Edmond Severi ». Son ordre de mission pour la Corse, Sea Urchin, est signé le 9 décembre. Le 17 décembre, il est à Alger où le général Giraud ignore le réseau FFL. Il gagne la Corse, occupée depuis le 11 novembre 1942, sur un sous-marin britannique, dans la nuit du 6 au 7 janvier 1943. Il a de faux papiers au nom de Joseph Grimaldi, représentant de commerce. Il débarque dans le golfe du Valinco avec un radio, Hellier, un officier anglais spécialiste du repérage des terrains d’atterrissage, des matériels et des fonds. Il gagne Ajaccio par des moyens de fortune pour rencontrer Archange Raimondi. Il a d’autres contacts avec Antoine Serafini et Fernand Poli.
Dès lors, jusqu’en mars 1943, il a une intense activité de recrutement, de préparation à la réception et au camouflage des armes. Dans le Nord de l’île, il a l’appui de Jean Zuccarelli et des Giacobbi. Il cherche le contact avec les mouvements de Résistance Combat et Libération qui ont les mêmes dirigeants. Il ne parvient pas à créer une structure unitaire. Il rencontre, dès le 10 janvier, Nonce Benielli, pour une action commune avec le Front national (FN). Mais leurs vues sur les problèmes d’autorité et sur le processus de Libération sont divergentes. Le FN préfère le contact avec les émissaires de Giraud.
Le temps va faire défaut à Fred Scamaroni. Il demande le remplacement d’Hellier [qui abuse de l’alcool] auquel il ne fait plus confiance. Le 12 mars, un sous-marin anglais débarque un autre radio ainsi que des armes et de l’argent.

Fred Scamaroni sait son réseau en partie repéré, mais veut terminer son travail à Ajaccio. Il y est arrêté par l’OVRA dans la maison des Vignocchi, dans la nuit du 18 au 19 mars 1943. […] Vingt-quatre heures après, Fred Scamaroni, qui a résisté aux interrogatoires, se suicide dans sa cellule de la citadelle d’Ajaccio, le 19 mars 1943, à l’âge de 29 ans. L’évêque d’Ajaccio lui refuse l’absoute.

Hélène Chaubin CD-ROM « La Résistance en Corse » AERI

Sur les circonstances de l’arrestation de Fred Scamaroni, voir « La mission Sea Urchin »

De Dakar à Londres en passant par Vichy

Au moment où la guerre éclata, Fred Scamaroni, un fonctionnaire d’origine Corse, âgé de 26 ans, se faisait du mauvais sang à son poste à la Préfecture de Caen. C’était un ardent patriote et il souhaitait faire davantage pour son pays. Il parvint à se faire transférer aux forces de l’Air où il obtint son certificat d’observateur. Au moment de l’Armistice et après avoir entendu l’appel passionné de De Gaulle, il se rendit à St-Jean-de-Luz, monta à bord du croiseur polonais SOBIESKI et gagna l’Angleterre où il offrit ses services aux Forces Françaises Libres nouvellement constituées.

Inlassablement De Gaulle poursuivait ses efforts pour obtenir le soutien des colonies françaises et il choisit Fred Scamaroni pour faire partie de l’Etat-major général français et se rendre à Dakar – qui était restée fidèle à la France de Vichy – afin d’y tester une occupation pacifique. Cette tentative échoue. Scamaroni et d’autres membres de l’Etat-major furent arrêtés et emprisonnés par les autorités pro vichyssoises. Ils furent enchaînés et on leur mit les menottes parce qu’ils refusèrent de donner leur parole qu’ils ne chercheraient pas à fuir. On les garda dans des cellules infectées de punaises. Scamaroni apprit qu’on allait les transférer par train à Bamako, à environ 1500 Kms de là, dans le Soudan français, l’actuel Mali. Une fois là-bas, il craignait qu’on ne l’envoyât en Algérie où il était presque certain d’être emprisonné et peut être condamné à mort. Il prit la décision de s’évader. Emmenant avec lui un ami, Kaouza, il sauta du train à 40 Kms de la frontière de la Gambie britannique. Ensemble, ils se frayèrent un chemin à travers la jungle et la brousse. Les deux hommes se félicitèrent de la facilité avec laquelle ils s’étaient échappés mais leur euphorie fut de courte durée. Ils furent capturés par deux membres d’une tribu locale qui les ramenèrent là d’où ils venaient. A la station proche de l’endroit d’où ils s’étaient enfuis, ils furent remis aux autorités de Vichy qui les envoyèrent derechef en prison. Malade et épuisé, Scamaroni goûta le repos forcé. En définitive, les officiels de Vichy l’envoyèrent; lui et les autres officiers dépêchés par De Gaulle, par avion à Alger d’où on les embarqua pour la France de Vichy. Il serait bientôt décidé de leur sort.

Ils furent emmenés à Clermont Ferrand et incarcérés dans une prison militaire. Les hommes épuisés furent conduits devant le commandant, s’attendant a une probable sentence de mort. Au contraire, à leur grande surprise, on leur apprit que le Maréchal Pétain leur accordait sa grâce. Ils allaient en plus être démobilises et libres de s’en aller. On offrit à Scamaroni un poste peu important au Ministère Vichyssois de l’Alimentation avec la promesse d’une promotion s’il se ralliait à Vichy.

Des amis renseignèrent le BCRA (Bureau Central de Renseignements et d’Action) de De Gaulle à Londres, sur l’endroit où il se trouvait. Il pouvait être sûr que De Gaulle était maintenant conscient des éventualités qui s’offraient a lui.

SCAMARONI écouta beaucoup et parla peu. II finit par recevoir de Londres des instructions pour y retourner immédiatement. Mais Scamaroni demanda à être autorisé à rester sur place pour le moment. Cette requête lui fut accordée. Petit à petit Scamaroni noua des contacts avec différents
groupes de résistants. En collaboration avec des réfugiés Espagnols républicains, il organisa une filière pour permettre aux agents « brûlés » de gagner l’Espagne en traversant les Pyrénées.

II rêvait de retourner en Corse et d’y organiser la résistance. Ayant obtenu quelques jours de congé, il prit un des rares bateaux faisant la navette entre le Continent et la Corse et partit donc pour l’île de sa naissance. La vue des uniformes italiens de la Commission d’Armistice le rendit malade. II découvrit bientôt que si l’appel de De Gaulle avait eu un impact sur la population, la résistance était fragmentée. II se mit rapidement à organiser ce qui avait été commencé, promettant des appareils de TSF pour les contacts avec Londres, demandant aux agents de rechercher des sites convenant au parachutage et des plages désertes pour l’infiltration par sous-marin. Il partit satisfait de sa visite.

A son retour, il apprit que « Copernic », un réseau avec lequel il avait eu des contacts, avait été découvert. II était prêt à foncer en Corse. Mais le BCRA de De Gaulle le voulait de retour à Londres. II se rendit à Paris puis en Bretagne ou l’opération Overcloud 2 avait été organisée pour recevoir un autre chef de la résistance, Joël Le Tac, de retour en Angleterre. Une vedette commandée par Gerry Holdsworth et Brooks Richards eut la surprise de recueillir Scamaroni a la place de Le Tac, à bord d’un canot pneumatique au large de l’Île de Guennoc, la veille du nouvel an 1942. II arriva en Angleterre alors que sa tête avait été mise a prix.