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Archives : éditoriauxEvénements Commémoration du 80ème anniversaire de la Libération. Bilan.

4 décembre 2023
Victoire.
Victoire !
BD Vendetta.

Les anniversaires décennaux « sonnent comme les carillons de la mémoire » écrit l’historien Henri Rousso. Parmi les plus mémorables on retiendra le 40ème , en 1993, en présence du président de la République, François Mitterrand  et de son premier ministre Edouard Balladur. Pour le 70ème anniversaire, en 2013, les plus hautes autorités de l’Etat avaient fait aussi le déplacement : Kader Arif, ministre des anciens combattants, s’était rendu à Ajaccio le 9 septembre. Il avait précédé le président de la République François Hollande qui après Ajaccio (cellule de Fred Scamaroni) s’était rendu en Alta Rocca (Monument de la Résistance à Levie) pour achever sa visite, le 4 octobre à Bastia, par une cérémonie à laquelle participaient les goumiers marocains et Léo Micheli, dernière grande figure de la résistance insulaire – il avait 17 ans en 1943. Tous disparus aujourd’hui.

COLLECTIVITÉS, ASSOCIATIONS, PARTICULIERS, DES INITIATIVES MULTIPLES.

Pas de représentants du gouvernement en 2023 pour les dates anniversaires1Le président Macron a rendu hommage à la Résistance lors d’une visite à caractère politique (27-29 septembre 2023). Dommage ! Moins de faste donc, mais d’heureuses initiatives locales prises par telle collectivité ou telle association… il y eut même une initiative individuelle originale : la vente de tee-shirt floqués du blason du sous-marin Casabianca sur un tee-shirt2La boutique Empires. www.empires.fr. Pour la seule Corse du Sud :  à Sartène, professeurs et élèves pour organiser un spectacle « son et lumière » dans la ville ; à Propriano, baptême d’une place dédiée à la mémoire de Guy Verstraete et ses camarades de la mission Frederick, la mission oubliée ; à Ajaccio, expositions, bal populaire et feu d’artifice ; dévoilement d’une plaque de marbre pour rappeler le lieu où fut lancé solennellement l’ordre d’insurrection ; dans les rues de la ville, la rénovation des panneaux à la gloire des héros et martyrs de la Résistance. A Ucciani, une association qui fait graver dans le marbre, le souvenir d’un parachutage, dans le maquis, à Bocca Pazzara, là où il a eu lieu en 1943 ; à Ajaccio, une association qui prépare et organise la visite de jeunes, le 4 octobre, à Bastia et au col des goumiers (à Teghjme) ; à Renno et Sotta, Olmeto, Zonza et Quenza, des expositions, projections de films et conférences, etc. Tout compte fait, ces initiatives ont pallié, en quelque sorte, l’absence des plus hautes autorités de l’Etat ; moins d’éclat donc mais un souvenir partagé au plus près de la population.

LA MARQUE COMMUNISTE ET GAULLISTE.
Blason du sous-marin Casabianca
Le blason du sous-marin Casabianca floqué.

Dès la Libération, le souvenir et l’héritage politique de la Résistance s’est reconstruit principalement autour des deux principaux courants de pensée de la Résistance : gaulliste et communiste. Forçant le trait, André Malraux dira qu’« Entre les communistes et nous il n’y [avait] rien », rendant dès lors presque invisible en Corse la mémoire giraudiste —Le général Giraud à qui la résistance insulaire doit tant. Agissant complémentairement et concurremment, gaullistes et communistes marquèrent de leur empreinte les commémorations de l’évènement. Avec des hauts et des bas dans leurs relations ; basses durant la Guerre froide et les guerres dé-coloniales ; au plus bas, détestables même, lors de la guerre d’Algérie. Dans les années 70, la fièvre retombée, les relations pacifiées, l’union se refait sous les auspices d’un Comité de liaison de la Résistance présidé par Laurent Arrighi. On commémore à côté les uns des autres et de plus en plus ensemble. Quand bien même la concurrence n’a pas disparu, le cadre de référence est, pour tous, la France. Fidélité au serment de Bastia : «… nous jurons de vivre et de mourir Français » ; on a conjuré ensemble la menace d’annexion par l’Italie fasciste, résisté  pour libérer la grande et la petite patrie, confondues.

Confondues toutes deux aussi dans la mémoire, dans une relation dénuée de toute considération hiérarchique. C’est pourquoi, en ce sens, l’année 2023 marque un tournant. La prégnance nationaliste-corsiste grandissante ne pouvait pas manquer d’imprimer sa marque à l’évènement et faire surgir ce questionnement : « Et si déjà dans la Résistance avait recommencé à germer le nationalisme corse ? » La question aurait paru saugrenue il y a quelques années encore tant l’identité corse avait été refoulée -outrageusement- parce qu’instrumentalisée par le fascisme italien.

Plaque Bocca Pazzara
Plaque de Bocca Pazzara.
Souvenir du parachutage.

Aujourd’hui elle trouve un écho grandissant dans l’opinion. L’historien Francis Pomponi ne lui prédisait pas un grand avenir : Cette « résistance identitaire [tend] à accréditer l’idée que ce mouvement intérieur a plus été mû par la volonté de libérer la Corse que d’apporter sa contribution au mouvement général et national de la libération de la France. Le tour en sera d’autant plus vite fait car elle repose sur des bases ténues et relève d’une tentative d’instrumentalisation ponctuelle et téléologique qui a du mal à faire école ». Mais en attendant …
Alors, comment répondre à ces questionnements nouveaux sans céder au « approximations du bavardage mémorio-médiatique3Penser l’évènement. 1940-1945. Pierre Laborie. Folio Gallimard 2019. P. 5», aux « discours réducteurs de la sphère médiatico-politique »4Ibid. P. 49, pas plus qu’« aux engouements du présent, aux impératifs de l’air du temps, au narcissisme et au relativisme qui en deviennent la marque »5Ibid. P. 49.

A suivre …
                                                  Antoine Poletti

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