Si le clergé eut ses égarés qui se compromirent avec l’occupant, il eut aussi de belles figures de la résistance antifasciste comme l’abbé Nicoli et l’abbé Zattara. Il eut aussi ses martyrs de la Libération comme le père franciscain Nicolas Borner et l’abbé Bytonsky.

N.B. : Les dates de naissance et de décès indiqués le sont à titre indicatif ; elles sont à préciser. Né probablement en 1868 à Bastia et décédé en début novembre 1945 à Bastia

A ce jour toute la période relative à sa jeunesse n’a pas pu être retrouvée. Cependant, l’abbé Zattara officie, depuis probablement la fin de sa jeunesse, à l’église St Jean », antique basilique du XVI ème siècle dont la façade s’entrevoit du vieux port et dont une tour surplombe l’angle de la place du marché.

Des activités religieuses, artistiques et politiques

Il se fait néanmoins remarquer par l’organisation d’une réunion religieuse hors de l’église. Dans le journal «Sillon de la Corse», il est consigné le 3 février 1907 (2 ans après la loi sur la séparation de l’église et de l’état) « un délit de messe pour le franc symbolique contre le sieur Zattara pour n’avoir pas déclaré préalablement une réunion cultuelle».

Par ailleurs, Il est aussi connu pour aimer la poésie. Il devient bibliothécaire de la ville de Bastia de 1921 à 1939. Dominique Vecchini, autre poète connu en Corse, lui succédera à cette fonction.

Il devient très populaire en 1937 par ses prises de position antifascistes durant les déclarations d’annexion de la Corse par l’Italie mussolinienne. Il se signale en 1938, par son activité au sein de l’association «Corse Française» dont il devient un des vice-présidents. Il s’implique aussi dans la rédaction du journal «Le Petit Bastiais».

Durant la période de la Résistance corse

En Italie, il était déjà sur la liste noire des opposants les plus influents sur l’Ile. Après l’arrivée des troupes italiennes le 11 novembre 1942, il est ainsi dans les premiers à être arrêté le 18 janvier 1943 et incarcéré par l’OVRA pendant 35 jours, à la prison Marboeuf (L’actuel Lycée Jean Nicoli). Il est dépouillé de ses habits de prêtre et jeté dans une cellule individuelle.

Selon les témoignages des autres prisonniers, il vociférait et frappait quotidiennement à grands coups à la porte de sa cellule pour faire venir ses geôliers et leur dire « vous êtes foutus » lorsqu’ils lui demandaient ce qu’il voulait.

Il est dès lors transféré en salle commune où Il y retrouve le maire de Bastia, Hyacinthe de Montera, destitué par le régime de Vichy. Grâce à la sollicitude des maraîchères et des poissonnières du marché de Bastia, il reçoit des victuailles qu’il partage avec les autres prisonniers. Il demeure très populaire dans la ville. L’évêché finit par intervenir pour le faire libérer.

Par la suite, Il intervient à son tour auprès de ses supérieurs ecclésiastiques pour faire libérer des résistants, notamment les jeunes Bastiais comme par exemple Charles Tosi. Il permet à de nombreux résistants de se cacher et d’être informés des instructions des autorités fascistes italiennes.

A la libération de la Corse

Dès la libération de Bastia, l’abbé fait partie des 15 membres de la délégation municipale. Il estime que les ecclésiastiques qui ont défendu la collaboration doivent être jugés au même titre que les autres citoyens. A ce sujet, Il demande notamment la traduction devant les tribunaux d’un prêtre dont il sait personnellement que ce dernier a collaboré avec l’occupant. Toutefois, au nom de la réconciliation nationale, il n’obtient pas gain de cause auprès de ses supérieurs ecclésiastiques qui lui firent remarquer qu’ils étaient intervenus à son sujet durant l’occupation italienne. Dominique Salini, président du Front National, ne souhaite pas interférer dans ce débat qu’il considère interne à l’Église.

Zattara est nommé Président de l’Association des détenus, déportés, traqués politiques, du nord de l’Ile. Il considère cette fonction nécessaire parce qu’un nombre important de résistants n’est pas encore rentré en Corse à cette date. Bien que souffrant, assisté de T. Bourgeois, il anime dans le café Andréani, la première réunion, le 20 décembre 1943, qui se termina en une 2ème séance le lendemain. Son intervention s’avère efficace. Il décède en 1945 alors que tous les prisonniers ne sont pas rentrés. Devant une foule considérable à ses obsèques, Aristide Leoni, président départemental de cette association de déportés, prononcera un discours le 7 novembre 1945 pour honorer la mémoire de cette forte personnalité.

L’abbé Zattara avait été décoré de la médaille de chevalier de la légion d’honneur.

Georges  Preziosi