Dernier d’une belle famille de huit enfants, Jean Corticchiato fait de solides études au collège d’Ajaccio. A 17 ans […], il s’engage dans l’armée. Il est envoyé à Tarbes et, peu après, il est affecté au 131ème régiment d’infanterie à Orléans. Très rapidement distingué par ses chefs, il devient de bonne heure sous-officier et se classe d’emblée parmi l’élite du corps au point d’être choisi, très tôt, comme instructeur de la préparation militaire supérieure qui a pour mission de former nos futurs officiers de réserve. C’est à Orléans qu’il épouse Mademoiselle Roujolle. Deux fils (1) naissent de cette union […]

A la fin de 1937, Jean Corticchiato est adjudant chef et demande à passer dans la police. Après avoir victorieusement subi ses examens, il est rayé des cadres de l’armée active et nommé sous-lieutenant dans la réserve et affecté à Cambrai en qualité d’inspecteur de police. A cette époque encore, ses loyaux services militaires étaient reconnus et récompensés par l’attribution de la médaille militaire, par décret du 2 décembre 1937.
Dans les cadres de la Sureté Nationale, Jean Corticchiato se range aussitôt comme un sujet d’élite, alliant à une habileté rare, une conscience, un sens du devoir, un désintéressement et une sensibilité tout à fait exceptionnels.

Extraits du discours prononcé à Cambrai en 1947 par le Général Pierre de Froment (2)

Quand éclate la « drôle de guerre », Jean Corticchiato est rappelé sous les drapeaux : officier de renseignements, il intègre le 33ème régiment d’infanterie, enregistrera quelques mutations au fil des mois pour se battre sur différents terrains, et surtout… battre en retraite. Défendant le pont d’Elbeuf, il n’entend pas se faire prendre. Il tente de s’échapper à la nage, mais sans succès. Bientôt prisonnier à Saint-Lô, il participe à l’organisation précaire de la vie dans la garnison-prison normande, avant de recouvrer la liberté au bout de quelques mois.
De retour à Cambrai Jean Corticchiato reprend son travail de policier, non sans rechigner quelque peu. Jusqu’en 1941, date à laquelle le réseau résistant d’Ernest Gaillard, chef du secteur Cambrésis, vient le solliciter. Un appel auquel « Corti » répond sans hésiter ! Et bien vite, il organise l’évasion de prisonniers, guide les Anglais à travers les chemins de campagne, diffuse des faux papiers. (…) « Corti » le chanceux qui se trouve sur tous les fronts, finit par tomber le 12 février 1943. Il n’est pas seul ce jour-là : trois autres compagnons du réseau Kleber sont arrêtés. Jean Corticchiato est saisi alors qu’il se trouve au palais de justice, et emmené manu militari. (…) Il passe plusieurs semaines à Fresnes, se trouve brutalisé, mais ne livre à l’ennemi aucun élément dont il a connaissance. (…).
Déporté à Neuengamme, Jean Corticchiato y vécut comme ses compagnons de misère, les travaux forcés, le manque de nourriture, les vexations, la fatigue extrême… Dix huit mois de ce traitement finiront par avoir raison de sa résistance. (…) Humilié et blessé, il continue à défendre l’honneur de sa patrie. Une blessure plus gênante que les autres, causée par un wagonnet, l’affaiblit et aggrave encore son état qui, bientôt, va le mener à la mort. Selon les derniers témoins, il semble que, jusqu’au bout, Corti ne cessait de les encourager : « Ne vous en faites pas, on les aura ! » confiait le malade. « Haut les cœurs ! », lançait encore le Résistant mis à terre.

Extraits d’un article publié en 2005 par le journal « Ouest France » et signé Christophe Henning.

  1. Deux fils qui, selon le Général Pierre de Froment, « sauront, guidés par leur père et mère, devenir des jeunes gens exemplaires et, eux aussi, d’ardent patriotes ». Après l’arrestation de son père, l’un d’eux, Jacques Corticchiato, à 20 ans, prend contact avec Yvonne Pagniez du réseau Centurie et il reconstitue l’équipe cambrésienne […]. Les nouveaux résistants participent aux sabotages, accueillent les militaires parachutés, préparent le terrain pour la libération du pays… » (Christophe Henning)
  2. Général Pierre Froment, ancien chef du sous-réseau « Ferdinand » poste2 du S.R. Kleber de la France Combattante
  3. Jean Ceccaldi, cantinier du 1er R.I. à Cambrai, grand mutilé de guerre de 14-18 (amputé d’un bras et d’une jambe). Il est tué  d’une balle dans la tête par un officier allemand dans un tramway à Marseille alors qu’il s’apprêtait à regagner la Corse.
  4. Dominique Fazi, sergent-chef au 1er R.I. à Cambrai, mort au combat en mai 1940 à Condé-sur-Escaut (Nord)
  5. Fondacci (prénom inconnu), jeune surveillant au lycée Paul Duez à Cambrai où il préparait l’agrégation de mathématiques, il s’engage dans Légion 16ème brigade. Il meurt lors des combats de Narvik en Norvège.
  6. Dominique Paoli, commissaire de police, s’est illustré à Cambrai comme chef d’un réseau d’aide aux aviateurs anglais abattus dans la région. Arrêté en 1943 par la Gestapo et détenu à Lille il est délivré à l’arrivée des troupes anglaises alors qu’il devait partir en déportation. Précédemment en poste à Lyon, il avait été impliqué dans l’affaire de Caluire, fatale à Jean Moulin. Arrêté, dégradé, il est muté sur ordre de l’occupant à Cambrai, ville placée en Zone interdite

Décorations et citation

Jean, Fulbert Corticchiato, par décret du 20 septembre 1946,  est fait Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume et reçoit la Croix de Guerre 1939-1945 avec palme.
«Français au grand cœur. Inspecteur de police aux renseignements généraux à Cambrai, s’est employé à fond dès 1940 pour faire échec à l’ennemi. Pendant plus de deux ans, a guetté tous les indices lui permettant de sauver de patriotes menacés par la Gestapo : dix sept habitants d’Avesnes-les-Aubert notamment furent sauvés grâce à son esprit de décision et à son dévouement. Dès juillet 1941, a réussi à placer des gens sûrs dans les services allemands, créant sur l’ensemble de l’arrondissement un réseau de renseignements très serré. Arrêté en février 1943 et déporté sous l’accusation d’espionnage, fait l’admiration de tous par son moral élevé. Est mort le 2 janvier 1945 donnant jusqu’à ses derniers moments l’exemple d’une foi, d’un patriotisme et d’un désintéressement absolus. »