Charles Cancellieri est né le 29 mars 1895 à Lucciana (Haute-Corse) dans une famille nombreuse : il a huit frères et sœurs. Après des études au lycée de Bastia, le 3 août 1914, Charles Cancellieri s’engage dans l’armée, au 173ème régiment d’infanterie. 28 mois plus tard, il est sous-lieutenant. Il sera démobilisé le 8 septembre 1919. Entre temps il s’est marié mais aura vécu «plus de 51 mois d’horreur qui marqueront profondément toute sa vie». (1)

Aussitôt démobilisé, il entreprend à Paris des études de droit sanctionnées par une licence en 1922. Avec Joseph Lorenzi, ils éditent, en novembre 1921 le premier journal communiste corse : « Corse rouge ». Charles Cancellieri s’avère être « un marxiste léniniste, un communiste pur et dur, enthousiaste et fervent comme on peut l’être à 20 ans» (2). Il fréquente les milieux révolutionnaires et fait la connaissance d’Ho Chi Min, le futur président de la République du Vietnam.

C’est précisément en Indochine, de 1923 à 1934, que l’avocat et militant politique va exercer ses talents et mettre à l’épreuve ses convictions anticolonialistes. Il est l’ardent défenseur de la cause annamite contre la puissante citadelle coloniale française.

Son retour en France en 1934 coïncide avec son adhésion à la S.F.I.O. (parti socialiste) dont il sera le candidat à plusieurs élections. Dans un « climat électoral agressif et violent », l’avocat du Secours Rouge milite pour le Front Populaire et comme son parti, il loue la politique de non-intervention en Espagne. En sa qualité d’avocat il aura à défendre le bandit Spada.

A la déclaration de guerre en septembre 1939, le lieutenant de réserve Charles Cancellieri, âgé alors de 44 ans, revêt l’uniforme du 173ème R.I. Connu pour son engagement politique, l’autorité militaire demande de ne pas le laisser en contact avec la troupe et pour bien l’isoler il est affecté à la surveillance des îles Lavezzi jusqu’à sa réforme pour raison de santé le 23 janvier 1940.

Après l’occupation de la Corse, le 11 novembre 1942, il reprend contact avec Arthur Giovoni revenu clandestinement en Corse. « Les deux hommes s’estimaient et partageaient la même idéologie marxiste […] et ils demeureront toute leur vie fidèles à leur engagement de jeunesse. Ils s’étaient retrouvés côte à côte […] dans l’arène électorale sous la bannière du Front Populaire, Giovoni pour le P.C., Cancellieri pour la SFIO » (3)

Cancellieri est suspect aux yeux de l’occupant qui l’incarcère, avec 165 autres personnes, le 9 juillet 1943, au Lycée Marbeuf dont l’occupant a fait une prison. Après une détention à Prunelli di Fium’orbu, n’ayant pas eu le bonheur de s’enfuir comme quelques uns de ses co-détenus, il est déporté à l’île d’Elbe, dans le camp d’Albereto. Après la capitulation italienne, début septembre 1943, ce sont les Allemands qui supplée l’allié italien défaillant et s’y substitue. les déportés embarquent pour l’Italie d’où ils rejoindront plus tard, le 9 octobre, Wolfsberg en Autriche. Charles Cancellieri qui travaille pour un dentiste pacifiste bénéficie d’un régime spécial de semi-liberté. Il est rapatrié le 6 novembre 1943 sur Paris occupé. Après un passage à Bordeaux chez son frère, il rejoint sa famille à Marseille et il renoue avec la Résistance, plus précisément avec « le réseau Pastor ». En août 1944, il prend part à la libération de la cité phocéenne.

A la Libération, il reprend son métier d’avocat. Il aura même à défendre François Pietri, l’ancien Ministre et ambassadeur de Pétain, chef de clan en Corse.  Il reprend aussi son activité politique mais il est déçu par les combinaisons électorales dont les clans reconstitués tirent les ficelles. « La déception, l’amertume soulevaient aussi le cœur des Résistants qui constataient avec indignation que les anciens collaborateurs retrouvaient leur morgue affichée sans vergogne sous le gouvernement de Vichy » (4).

Dans un dernier sursaut militant, il s’associe à Arthur Giovoni pour lancer un appel au rassemblement des «Combattants de la liberté». C’était le 18 avril 1948 sur la place St Nicolas à Bastia. Ce sera sans lendemain. Charles Cancellieri met alors volontairement un terme à sa carrière d’avocat et à son activité politique et il cultive alors, comme Victor Hugo, l’art d’être grand-père. Le 24 janvier 1955, il reçoit la Légion d’Honneur. Il meurt le 3 août 1957 à Nice.

Cette biographie a été établie  à partir du livre « L’insoumis, Charles Cancellieri » rédigé par sa fille, Lucia MOLINELLI CANCELLIERI (C. Lacour éditeur. 1998)

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