A la déclaration de guerre, en 1939, Ange Stromboni n’a que 25 ans mais déjà un bonne expérience de la politique ; son engagement antifasciste date de l’avènement d’Hitler au pouvoir, en 1933. Jeune instituteur, il est de tous les combats ; d’abord avec le Parti socialiste, puis avec le Parti communiste, à Bonifacio où il organise la lutte syndicale et politique avant qu’il ne soit « déplacé » par le régime de Vichy. A l’arrivée de l’occupant, il contribuera à l’organisation de la Résistance de sa région de Santa Lucia di Tallà et Livia.

Ange Toussaint Stromboni est l’un des neufs enfants d’une famille qui vit très modestement du travail de la terre ; cette « Terre des seigneurs », (les sgiò, gros propriétaires terriens) qui donnait au sud de l’île quelque aspect latifundiaire aux rapports sociaux de l’époque. Heureusement, l’école de la République offrait la possibilité de s’extraire des dures conditions d’existence de la paysannerie. Ange Stromboni obtint ainsi son certificat d’études, et comme il fut reçu premier il obtint une bourse. A 16 ans, en 1930, il entre à l’Ecole normale d’instituteurs d’Ajaccio. Il adhère au Parti socialiste et au Secours rouge.

En octobre 1933, commence sa carrière d’instituteur à Carbini, dans sa région. Cette même année, Hitler est arrivé au pouvoir. Ange Stromboni considère que le parti socialiste est trop « tiède » ; il adhère au Parti communiste qu’il juge meilleur rempart contre le national-socialisme. Il fonde un syndicat C.G.T.U. d’ouvriers terrassiers parmi le travailleurs qui construisaient la route de Bonifacio à Levie.

L’année suivante -il a 20 ans- il est muté à Bonifacio. Il favorise la création de syndicats parmi les pêcheurs, les ouvriers du bâtiment et les dockers. Il anime une bibliothèque ambulante qui lui permet de propager ses idées. Candidat aux élections législatives, il ne recueille… qu’une voix !

En 1938, pour la première fois, le premier mai est célébré Bonifacio. Ange Stromboni y anime la manifestation avec les syndicats. En novembre de la même années, il est un des 27 instituteurs de Corse à cesser le travail avec la C.G.T.U. pour dénoncer les accords de Munich et les décrets-lois Reynaud (fin de la semaine de 40 heures). S’ensuivra sa mise à pied pour une semaine. Dans une note datée du 16 janvier 1939 adressée au préfet de Corse par le sous-préfet de Sartène, ce dernier fait état d’une cellule du parti communiste à Bonifacio animée par les frères Stromboni, Mlle Carlotti et le secrétaire du syndicats des dockers, Scamaroni. A Porto-Vecchio, selon le sous-préfet, c’est un sujet italien, Brugnoli qui est l’animateur communiste de la cité du sel. Mais, rassure le sous-préfet, « la menace de constitution d’un parti P.P.F. [un parti fasciste, fondé par Jacques Doriot qui revêtira en 1944 l’uniforme nazi] soutenu par la municipalité et les employeurs, a calmé beaucoup de communistes. »

A la signature du pacte germano-soviétique, le 23 septembre 1939, Ange Stromboni s’est dit « étonné et martyrisé » (1) et dit l’avoir « accepté à [son] corps défendant. » (1) Le 3 septembre, à la déclaration de la guerre, il est mobilisé. Le 23 septembre le parti est dissout. Ange Stromboni est mobilisé à Bonifacio au 4ème Régiment des Tirailleurs Tunisiens mais il est un suspect pour les officiers ; il entend dire au mess sans que nul ne réagisse : « celui-là, si on monte en ligne, , on donne l’ordre à un tirailleur de le descendre ».

A l’été 1940, il est « déplacé » et fait sa rentrée scolaire à Pila-Canale. Au mois de mai 1942, il adhère au Front national. C’est à lui « qu’est échue la mission d’organiser tous les groupes F.N. dans le canton de Levie, San Gavino et Carbini. », relate Pierre Galéazzi (2). Il a « pris part à tous les parachutages de la région, au transport d’armes et munitions ainsi qu’à leur répartition. Du 25 août au 5 septembre, en qualité de radio, « a assuré la garde du poste radio et la transmission des ordres du comité F.N. de Sartène. Du 10 au 22 septembre 1943, a pris part aux engagements contre les Allemands dans la région de Levie, Carbini et Bacino. La Corse libérée, il est mobilisé (AFN, Aubagne ) du 15 février 1944 au 31 juillet 1945. Il acquerra le titre de Lieutenant FFI et recevra une citation à l’ordre du régiment.

"Responsable général du Front National pour les cantons de Levie et Sainte Lucie de Tallano dès le mois de mai 1942., a organisé la Résistance dans ces deux cantons. A pris part à toutes les opérations de parachutages de la région, au transport et à la distribution des armes apportées par les parachutes. a assuré la garde du poste radio et la transmission des ordres entre le comité clandestin de Sartène et l' E.M. d'Alger du 25 août au 5 septembre 1943.
Du 10 au 22 septembre 1943, a pris part aux engagements victorieux contre les Allemands dans le secteur de Levie- Carbini-Col de Bacicino.
Est sans conteste l'un des artisans les plus actifs de la Libération de la Corse."
                                          Ajaccio 20 août 1946. Signé : le général de brigade Lelong, commandant la subdivision.

Après-guerre, il retrouve sa vie de famille ; en 1942, il a épousé Annonciade Paganelli, institutrice elle aussi, F.F.I.  Il reprend son métier d’instituteur et son activité politique et syndicale au sein du S.N.I. – P.E.G.C. dont il sera le secrétaire de 1959 à 1970.

(1) Interview réalisée par Marie-Pierre Valli pour le mensuel Corsica (Date non précisée)
(2) Attestation de Pierre Jean Noël Galeazzi, président du comité d’arrondissement du Front national de Sartène, en date du 29.06.1945. (Archives familiales).