Jean Nicoli est né le 4 septembre 1899 à San Gavino di Carbini. Il a trois frères et une sœur et ses parents sont de modestes épiciers. A dix sept ans il est reçu au concours d’entrée à l’Ecole Normale d’Instituteurs d’Ajaccio. Après le service militaire accompli dans le Génie en 1920, il rejoint son premier poste à Sorio, dans le Nebbio. Il se marie en 1922 avec Marie-Jeanne, institutrice, et a un fils Don Jacques en octobre 1923, il est alors en poste à Ste Lucie de Porto-Vecchio. En 1924 il sera à San Gavinu. Jean Nicoli et son épouse obtiennent alors un poste double dans le Haut-Sénégal (aujourd’hui le Mali), successivement à Kayes puis à Bamako où nait Francette Nicoli en avril 1925.

Il reste en Afrique jusqu’en 1934, et y devient directeur d’école à Mopti. Il y tient un journal, riche en observations critiques sur certaines pratiques de la colonisation et écrit un livre, « L’écolier noir ». La dégradation de l’état de santé de sa femme l’oblige à rentrer en France. Jean Nicoli enseigne durant un an dans une école de la rue Lepic. Il participe aux manifestations du Front Populaire et adhère au Parti Socialiste. Son épouse est soignée à Paris, en vain et c’est en février 1937 qu’elle décedera en Corse où les Nicoli ont pu rentrer : Jean est directeur d’école à Propriano.

Pendant la guerre

Quand la guerre éclate, il est mobilisé dans le Génie à Corte, puis à Rodez. Revenu en Corse après l’armistice, il participe à la formation des premiers groupes de Résistants à San Gavinu et à Casalabriva. En 1942, depuis le Sartenais il a des contacts avec le Front National : François Carli, Nonce Benielli et Arthur Giovoni, avec lequel il s’efforce de trouver des armes, à la fin de 1942, pour les patriotes. Il serait l’un des auteurs du chant des patriotes en Corse, la Sampiera. Il adhère au Parti communiste clandestin, le 28 décembre 1942.
Après l’arrivée de la mission Pearl Harbour menée par De Saule, il contribue activement à la réception et à la distribution des armes fournies par Alger. « Mi janvier 1943, il rencontre à Ajaccio avec Nonce Benielli et Arthur Giovoni, deux des premiers agents de la mission Pearl Harbour, Toussaint Griffi et Laurent Preziosi. Ils s’entendent sur l’aide proposée par les autorités d’Alger pour le développement des réseaux de résistance et de l’armement pour la libération de la Corse.
Le 6 février 43, il participe, avec son équipe, les résistants locaux de Piana et les quatre membres de la mission Pearl Harbour à la première importante livraison d’armes dans la baie d’Arone (450 mitraillettes et 60.000 cartouches par livrées par le sous-marin Casabianca).
Il part dans le nord de la Corse avec Toussaint Griffi et Laurent Preziosi rencontrer les responsables des réseaux créés sur Bastia, Ile Rousse, St Florent, Calvi.
Fin février, Jean Nicoli propose l’enlèvement, très bien organisé, d’un général italien à Petreto qui serait transférer à Alger par le sous-marin Casabianca. Cette opération montrerait les capacités de la résistance auprès des alliés et de l’ennemi. Le radio de la mission, Pierre Griffi, reçut un refus d’Alger qui craignait une forte répression compromettant l’organisation de la libération.
Le 10 mars Jean NIcoli, avec notamment son équipe, protège d’Ajaccio à Sari-Solenzara le retour à Alger par le Casabianca des agents Toussaint Griffi et Laurent Preziosi. Le radio Pierre Griffi reste pour aider le futur remplaçant de leur chef de mission (Roger de Saule), le capitaine Paulin Colonna d’Istria. »
Les armes arrivent aussi par des parachutages. Il en organise la réception. Il parvient à équiper les patriotes du Sartenais. Il participe à la conférence de Porri, en mai 1943, après l’arrestation de Fred Scamaroni. Le Comité départemental y est solidement organisé. Jean Nicoli est désigné comme responsable à l’armement. Le 17 juin 1943, il échappe de peu à une arrestation à la Brasserie nouvelle à Ajaccio où il arrivait avec un peu de retard. Mais il est recherché par l’OVRA qui possède une photo de lui. Il est arrêté, le 27 juin 1943, au 3 rue Solférino, à Ajaccio, en même temps que Jacques Bonafedi, le propriétaire des lieux,  et Jérôme Santarelli, un autre responsable du FN. Au cours de cette réunion ils devaient préparer un débarquement d’armes. Mais les Italiens avaient été prévenus par des collaborateurs. Le jeune patriote Pascal Nicolaï, est lui aussi informé de la perquisition et se rend vite pour prévenir  les trois résistants mais, quand il arrive, les troupes italiennes sont déjà déployées. Selon le témoignage d’un voisin de l’immeuble, un collaborateur présent dans l’immeuble aurait conduit les Italiens dans la cave où s’étaient réfugiés les résistants pour échapper à la fouille de l’appartement.
Jean Nicoli est incarcéré à Ajaccio jusqu’à son transfert à Bastia le 26 août 1943. Sa fille Francette espère en vain une évasion, d’abord de sa prison à Ajaccio, puis pendant le transfert que les résistants avaient préparé par chemin de fer. Un plan a été mis au point avec les cheminots (1), mais les Italiens, sans doute informés, choisissent la route plutôt que le rail. Comme en témoigne Albert Ferracci, un autre plan (2) prévoit la capture d’un officier italien de haut rang. Il échoue aussi.

Jugé par le tribunal militaire italien à Bastia, les 27 et 28 août 1943, il défie ses juges qui le condamnent à être fusillé dans le dos pour espionnage militaire. Il défie pareillement les hommes du peloton d’exécution qui veulent le fusiller dans le dos :  » Vous me fusillez dans le dos parce que vous n’avez pas le courage de me regarder. Vive la France ! » (3)  Les fusilleurs le lui font payer : le corps de Jean Nicoli est décapité et son corps porte des traces de mutilation à l’arme blanche.

Les tentatives de sa fille pour obtenir un recours en grâce auprès du général Magli qui commande les troupes italiennes en Corse, ont été sans effet.  Tout comme les contacts pris par les dirigeants du Front national avec le colonel des Chemises noires, Cagnoni, pour essayer de le sauver. Il est exécuté, comme Michel Bozzi et le radio Luiggi, le 30 août 1943 , lui, à 7H30, Le 30 août, à quelques jours  de la capitulation italienne, alors que partout dans les territoires qu’occupent les Italiens dans le Sud-Est, les condamnations à mort font l’objet de recours en grâce toujours acceptée par le roi. Il ne dépendait que du général Magli d’y recourir. Il ne l’a pas fait.

Antoine Poletti

Notes :

  1. SAUVER JEAN NICOLI Albert Gherardi, responsable du Front National des groupes de Campitello, Volpajola,Scolca et Morosaglia: (Interview dans Petit Bastiais  n° 131 du 08.08.2001) : « La mission consistait à tendre une embuscade sur la route d’Ortiporio, sortie sud de Campile. Albert Fontana avait précisé, au nom de François Vittori et Arthur Giovoni, qu’il fallait prendre en otage un officier de l’armée italienne afin de l’échanger contre Jean Nicoli. Hélas, nous avons attendu trois jours en vain. A peu près la même mésaventure nous est arrivée à Ajaccio. Sous la responsabilité de Pierre Pagès, un commando avait été constitué avec l’aide des cheminots résistants. L’opération consistait à arrêter le train avant Bocognano mais à notre grande surprise, elle a été annulée, puis l’information nous a été donnée : Jean Nicoli était transféré en prison à Bastia [par camion et non plus par le train]. Un colonel des Chemises noires [Cagnoni] s’occupait de la faire libérer. L’a-t-il fait ? L’a-t-il fait sans succès ?
  2. Le témoignage d’Albert Ferracci : « Sauver Jean Nicoli »
  3. Fabrizio Carloni* relate qu’un des derniers jours d’août, « le sous-officier [l’adjudant-chef Ottone] apparu au témoin Gérard Comte, […] très préoccupé parce que, confia-t-il au garçon, il craignait que lui soit confié la tâche de commander un peloton d’exécution pour fusiller des patriotes français. L’ancien militaire s’était débiné et Gérard vit passer devant la villa un camion bâché à l’intérieur duquel étaient des militaires chargés de l’exécution. Une fois la sentence exécutée, Ottone confia à notre témoin [Comte], que le condamné [Jean Nicoli] était mort en criant à ses justiciers : « Vous me fusillez dans le dos parce que vous n’avez pas le courage de me regarder. Vive la France ! » (Voi mi fucilati in la schiena perché non avete il coraggio di guardarmi. Viva la Francia !
    (Fabrizio Carloni. L’occupazione italiana della Corsica. Novembre 1942 – ottobre 1943. Page 109. Ed. Mursia.)