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Ressources documentaires Rencontres Cinéma Histoire 2018

23 avril 2018
L’édition 2018 des RCH, mieux que celle de 2017 ! De quoi satisfaire donc l’ANACR 2A et ses partenaires, notamment les activités sociales de l’énergie (CCAS) et l’ONACVG de Corse-du- Sud. Au total plus de mille spectateurs.; quelques sept cents scolaires en quatre jours, avec au programme « Le journal d’Anne Frank », un classique pour les élèves du primaire, et « Les oubliés » pour ceux du secondaire. Le public adulte, plus de trois cents personnes, était lui aussi au rendez-vous, pour voir, s’émouvoir et tenter de comprendre avec des films documentaires et des fictions ce que furent ces années de guerre.

Le public a pu  écouter Dominique Taddei (« We Corsicans« ) nous expliquer comment fil à fil il a retissé les liens de la mémoire entre Corse et USA ; plus précisément entre ces soldats américains présents dans l’île (50.000 environ en 1943-1944)  et ceux qui comme lui -un enfant en 1943-1944- en avaient gardé le souvenir chaleureux.

Moins réjouissant, mais instructif, était le film de Christian Lorre, consacré à Gabriel Péri, martyr de la Résistance. Après le film, le débat a porté sur la difficulté des militants comme Péri pour « tenir le cap », tant était erratique la conduite de la direction du Parti communiste après la signature du pacte germano-soviétique. Il est vrai qu’aucun parti, aucune institution, aucun corps constitué ne sort indemne de cette période a dit en substance De Gaulle. Ce film en fait la démonstration. En ces « années noires » il fallait oser désobéir, n’obéir plus qu’à sa conscience. « A chacun sa boussole ». Celle de Gabriel Péri l’a mené au bout de son engagement, au poteau d’exécution : fusillé par les nazis au Mont Valérien le 15 décembre 1941. *

Les autres films au programme, on les connait mieux, excepté, et c’est dommage, « Les oubliés » (Voir ci-dessous). De même pour « La promesse de l’aube » ou  « Le laboratoire corse » (en Corse tout au moins). Et en prime, les spectateurs de la CCAS ont pu voir un documentaire sur « L’Odyssée sous-marin Casabianca » avec les précieux témoignages des derniers survivants de cet héroïque équipage (tous décédés aujourd’hui). C’était pour les préparer à  une visite le lendemain sur les traces de la mission « Pearl Harbour« .

Les spectateurs de la CCAS de Marinca ont pu assister aussi à la projection du documentaire de Ken Loach « L’esprit de 45 » qui nous plonge dans cette Grande-Bretagne de l’après-guerre, celle du peuple, qui a préféré en 1945 les Travaillistes aux Conservateurs pourtant emmenés par leur leader Winston Churchill. Pour gagner la guerre, Churchill d’accord mais après, aux élections qui ont suivi, les Britanniques lui préférèrent les Travaillistes afin d’en finir avec la misère qu’ils avaient connu dans l’entre-deux-guerres et pour ouvrir une nouvelle ère de justice sociale et de progrès social. C’était ça « L’esprit de 45 ». Hélas, il n’ a pas fallu attendre longtemps pour que le rêve passe. Et moins de trente ans plus tard, le thatchérisme l’a brisé définitivement. Et ce qui valait pour la Grande-Bretagne a prévalu pour tous, vainqueurs et vaincus : l’esprit de 45 fut une embellie mais après… Alors, aujourd’hui on peut s’interroger : la montée des populismes, ne serait-elle pas consécutive au rêve brisé de l’esprit de 45 ? Affaire à suivre…

Chaque année on se demande quels films pourraient l’an prochain satisfaire le public autant qu’il l’ été cette année ? Il ne fait pas de doute que le gisement est inépuisable parce tel film lève le voile sur un fait passé méconnu ou presque, parce que tel autre s’interroge sur les silences de l’histoire. Et puis, il faut compter avec le talent des réalisateurs pour revisiter avec des fictions ou des documentaires cette guerre-monde pendant la quelle il s’est passé tant de choses ; les pires et les meilleures.

Rendez-vous au printemps 2019.

Antoine POLETTI

* Comme Christian Lorre, l’historien Alexandre Courban fait remarquer que si beaucoup de rues portent son nom, Gabriel Peri reste néanmoins peu connu. Il lui a consacré une biographie très documentée : « Gabriel PERI. Un homme politique, un député, un journaliste ». Ed. LA DISPUTE. 2011.

LES OUBLIES

Dans cette histoire de la Seconde Guerre mondiale que l'on croit connue demeurent de grandes zones d'ignorance. La preuve par nos Rencontres Cinéma Histoire. Cette année, au programme deux films qui lèvent le voile sur des faits survenus après guerre : un documentaire, "We Corriscans", qui révèle la présence de 50.000 soldats américains sur l'île en 1943-1944, pour une population corse d'à peine plus de 200.000 habitants. Les Américains en Corse on savait, mais pas en aussi grand nombre !
                Même révélation avec le film "Les oubliés", de Martin Zandvliet qui revient sur l'immédiat après-guerre. Sur une plage du Danemark, un paysage de bout du monde, loin de tout,  oubliés, des jeunes prisonniers allemands ayant appartenu à la Volkssturm (Milice populaire des jeunes) sont chargés de trouver et d'extraire les mines que leurs compatriotes de la Wehrmacht ont enfouies sous le sable. Comme dans "un huis clos en plein air", ils doivent affronter la mort, aux ordres d'un adjudant danois assoiffé de vengeance qui veut faire expier à ces adolescents les crimes de leurs congénères. "Un film où le contexte historique sert plus de décor que de problématique". La problématique ? chercher à comprendre comment la soif de vengeance et la haine qui habitent le sous-officier danois libèrent ses instincts les plus vils et le conduisent à s'avilir  en devenant aussi impitoyable et inhumain que le furent les nazis. Il voit dans ces adolescents l'Allemand essentialisé, criminel, barbare. Et ce faisant s'opère une réversibilité de la barbarie qui amène à se poser la question suivante : "Et si Rasmunsen, c'est l'adjudant, avait vécu en Allemagne sous le IIIème Reich et servi dans la Wehrmacht ? Heureusement que sous la carapace du bourreau Rasmunsen finit par percer son humanité. Martin Zandvliet a compris comme Albert Camus que : certes le régime nazi avait mis l'Europe "à l'apprentissage de la haine" mais qu'il fallait la désintoxiquer. L'Europe l'a-telle été vraiment ? Le monde l'a-t-il été vraiment ?

A.P.

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