Chargement...

 

Archives : éditoriaux En souvenir de Claude Erignac

6 février 2017
La cérémonie en hommage au préfet Erignac mort le 6 février 1998 à Ajaccio a eu lieu, comme chaque année, à l’endroit même où il tomba sous les coups de ses assassins. Après l’allocution de M. Schmeltz, préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, la cérémonie s’est poursuivie par le traditionnel dépôt de gerbes, la sonnerie au morts et La Marseillaise.

 

Hommage au préfet Claude Erignac

Il y a 19 ans, ici même, le 6 février 1998, vers 21 heures, un homme se rendait, seul, à pieds, au Théâtre le Kalliste pour rejoindre son épouse. Il était froidement abattu d’une balle dans le dos puis achevé au sol par deux autres projectiles. Il ne verrait jamais la Symphonie inachevée de Schubert programmée ce soir-là. Inachevée à jamais comme sa mission au service des Corses et de l’Etat qu’il représentait dans l’île avec devoir et passion depuis le mois de janvier 1996. Sa vie, elle, venait de s’achever plongeant son épouse, Madame Dominique Erignac, ses enfants, Christophine et Charles-Antoine, ainsi que toute sa famille à jamais dans le chagrin et le deuil. Je tiens à tous vous remercier pour votre présence réconfortante face à un souvenir si douloureux.

Il y a dix-neuf ans, ici même, un homme, dans un moment de détente culturelle, a été assassiné. Peu importe les explications avancées, peu importe la recherche des causes d’un tel acte, ici même il y a dix-neuf ans un homme a été assassiné. Beaucoup de mes prédécesseurs vous ont cité la phrase de Stephan Sweig retrouvée dans les carnets de Claude Erignac : « Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme… ». Mais cette phrase en réalité n’est pas de Stephan Sweig, il l’a reprise d’un auteur du XVIe siècle, Sébastien Castellion, qui dénonçait à travers ces mots l’obscurantisme religieux qui condamnait à mort pour de simples opinions personnelles, lors de simulacre de procès. Or, nous nous réunissons aujourd’hui pour honorer la mémoire d’un homme qui représentait l’Etat de droit, garant de nos libertés, qui représentait la République, notre bien commun qui protège nos droits et au nom de qui s’exerce la solidarité nationale sur l’ensemble du territoire. C’est pourquoi, ici même, il y a dix-neuf ans, ce n’est pas seulement un homme qui a été assassiné, c’est la République, notre bien commun, qui a été frappée.

Ces derniers mois notre République a été de nouveau meurtrie par de lâches assassinats, notamment de membres des forces de l’ordre, privés du droit de vivre parce qu’ils la représentaient et la défendaient. Des dizaines de nos compatriotes ont également été assassinés parce qu’ils vivaient dans un pays, où l’on est libre d’exprimer ses opinions, libre d’exprimer sa croyance, libre de s’attabler à une terrasse de café, de se regrouper pour regarder un spectacle, libre de se rendre à un concert de musique avec un être cher. La très vive et saine émotion populaire en réaction à ces événements démontre collectivement notre attachement à la République et à ses valeurs.
Il y a dix-neuf ans, ici même en Corse, 40 000 personnes ont défilé dans toutes les villes de l’île afin de rappeler que dans une société où chacun peut librement et régulièrement voter pour les candidats de son choix, où chacun peut librement défendre ses idées quelles qu’elles soient, où chacun peut librement contester les choix et les actes des décideurs, où chacun peut librement aller et venir pour construire son destin, il ne peut pas y avoir de légitimité pour la violence. 2
C’est la République qui nous protège de la violence. Vieille de plus de deux siècles, elle a dû et su faire face aux plus grands tourments, s’appuyant sans cesse, aux heures les plus sombres, sur ses valeurs l’Egalité, la Liberté, la Fraternité, la Solidarité mais aussi la Justice. Et pour les faits qui nous rassemblent aujourd’hui, la Justice a été rendue selon les règles de l’Etat de droit qu’a toujours défendu Claude Erignac.

Le chapitre judiciaire est désormais clos, nous devons écrire celui du souvenir. Ici même, sera érigé un monument à la mémoire de Claude Erignac. Il sera inauguré, l’année prochaine, pour le vingtième anniversaire de sa mort. Mais la page du souvenir ne doit pas être celle où sont ressassées les turpitudes du passé, elle doit être celle de l’avenir qui s’enrichit des erreurs commises, celle de l’avenir de la Corse, un avenir dans lequel la violence n’a pas de sens, pas de légitimité, pas d’issue.
Aucun projet d’avenir, aucune politique ne peut se construire sur la violence, sur la mort donnée ou acceptée.
Au contraire, c’est en se mobilisant pour un projet qui donne du travail, qui garantit l’accès au logement, à la santé, qui diffuse le savoir, que nous pourrons valoriser et enrichir la culture, le patrimoine et l’identité de la Corse en France et en Europe La Corse est riche d’énergie pour construire ce projet d’avenir. La Corse est riche de chefs d’entreprises qui veulent entreprendre, développer leurs activités, produire davantage, malgré les obstacles. La Corse est riche de partenaires sociaux qui oeuvrent pour une Corse plus solidaire. Je veux dire ici, en cet instant, que cette confiance en l’avenir de la Corse, celle qu’avait Claude ERIGNAC, est partagée par tous ceux qui servent l’Etat.

Vive la Paix en Corse, Vive la République, Vive la France

Bernard Schmeltz

Copyright ANACR 2A 2020   |   Administration

Site de l'ANACR 2B | Site du Musée de Zonza