Dans la Corse revendiquée par l’Italie fasciste puis occupée dans tous ses cantons, il n’y a pas de place pour l’indifférence à l’égard des évènements. Les menaces et épreuves successives sont propres à éveiller la conscience civique et l’esprit de Résistance. Une prise de conscience que l’engagement dans la lutte armée qui suit la Libération impose à toutes les générations, particulièrement aux plus jeunes.

Marcel Santoni est né le 17 mai 1925 au Maroc dans une famille originaire de Pietroso en Corse. Il fait ses études secondaires à Ajaccio où il assiste à des manifestations hostiles à l’irrédentisme en 1938 et 1939. La défaite qui est douloureusement perçue dans son entourage, l’écoute des émissions de la BBC et d’une radio suisse de langue française provoquent chez l’adolescent une certaine prise de conscience et un désir d’agir qu’il reconnait également chez des amis de Pietroso. Il s’y forme un petit groupe qui obéit aux mots d’ordres de la BBC, par exemple en inscrivant des graffiti et en distribuant des papillons pour riposter à la propagande officielle. L’Occupation de novembre 1942 alimente cet état d’esprit. On ne sait pas tout de la répression dans une population désinformée, mais Marcel Santoni est à Ajaccio, en juin 1943, quand se produit le drame de la Brasserie nouvelle. Il en ressent le traumatisme dans une ville rapidement quadrillée par des soldats italiens qui multiplient les arrestations. Il rejoint Pietroso et apprend l’arrestation de Résistants de la région. Le petit groupe auquel il appartient intègre aussi des adultes comme le ferronnier Risterucci qui était en relation avec André Giusti. On prépare un terrain de parachutage, Serpent, sur le plateau de Caralba et la BBC diffuse en juillet le message annonciateur : « Suzy envoie le bonjour à ses amis Dumont et Michel ». L’équipe de réception attend en vain. Le parachutage est annulé pour des raisons inconnues.

Le Front national fédère les petits groupes comme celui de Pietroso. Il  donne des consignes : dès l’annonce du débarquement Allié, entraver sur tout le territoire de Vezzani les déplacements des ennemis par des barrages et des embuscades, et désarmer les petites garnisons italiennes installées dans les villages. Mais le 9 septembre, quand arrive l’ordre d’insurrection, l’ennemi n’est plus italien- dont l’attitude est encore difficile à prévoir-mais allemand. Il y a peu d’armes : armes de chasse sorties de leurs cachettes, vieux fusils provenant de Corte, un fusil-mitrailleur anglais, mais avec des balles de calibre inapproprié. Après un affrontement entre Italiens et Allemands au carrefour de Pinzalone, le 12 septembre, les deux ponts qui se trouvent de chaque côté à l’entrée de Vezzani ont sauté et le village se trouve isolé. Le 21 septembre arrivent les éléments du Bataillon de choc qui demande des guides et mènent des actions dans les hameaux voisins de Pietroso. Le 24 septembre, les Allemands quittent la zone. Ils abandonnent le terrain de Ghisonaccia. Quatre habitants de Pietroso meurent en sautant sur des mines.

Après la Libération, Marcel Santoni, désireux de s’engager, obtient l’autorisation de la famille. Il est dirigé sur Alger, puis sur Casablanca et rêve de participer à un débarquement en France. Une espérance frustrée car il est affecté aux Forces expéditionnaires françaises en Extrême-Orient. Le départ n’a lieu qu’en mai 1945, en direction de Ceylan où les Français sont rattachés aux Britanniques, avec la perspective de combats en Malaisie. Après les bombardements de Hiroshima et Nagasaki, le Japon capitule et le Corps français est envoyé à Saïgon. Ce n’est qu’en octobre 1946 que Marcel Santoni revient en France ; à Toulon. Il  est démobilisé en janvier 1947. Il reprend ses études à Paris, à la faculté de Droit, après un engagement qui a duré trois ans

Hélène Chaubin (CD Rom La Résistance en Corse)