Ce professeur républicain est avant-guerre engagé contre les prétentions annexionnistes de Mussolini. La guerre déclarée, en Corse non-occupée, avec ses collègues, il jette les bases de ce que sera la Résistance bastiaise dont il sera un des principaux organisateurs et le coordonnateur. Après la Libération, il reprendra son activité d’enseignant au Lycée de Bastia.

Il est le fils de Jean Paul Salini, sous-officier de carrière puis commerçant, et d’Anne Marie Salini, son épouse, de son nom de jeune fille Salini (autre famille).  Dès son enfance, ses parents s’établissent à Ajaccio où il effectue sa scolarité au lycée Fesch. Il y obtient brillamment son bac. A l’issue de ses études universitaires, pour devenir enseignant, il obtient son diplôme de «Professeur de mathématiques».
Son service militaire est accompli à Barcelonette dans un régiment de chasseurs alpins En septembre 1937, après un poste de délégué ministériel au lycée Thiers de Marseille, il est affecté à Bastia pour sa nomination de professeur de mathématiques au lycée. Son épouse Etiennette Salini, institutrice, nommée à son tour, le rejoint le 19/03/38 avec leurs deux fils Jean-Paul-Joseph, 9 ans, et Joseph, 5 ans. Un 3ème enfant naîtra en mai 1941 : Magali.
A partir de juin 1938 les prétentions d’annexion de la Corse par Mussolini, étant de plus en plus fortes, il participe aux manifestations de Bastia. Ces manifestations ont lieu sur la place St Nicolas, toujours noire de monde.  Les discours du maire, Hyacinthe de Montera, avocat célèbre et grand tribun, trouvent une profonde résonance dans la foule. Le 4 décembre 1938, quelques jours après que le Conseil fasciste et le comte Ciano (gendre de Mussolini) aient revendiqué solennellement l’annexion  de l’île, la foule se rassemble devant le café « Le gourmet »,  boulevard Paoli, et prête serment de fidélité à la France,.

Au déclenchement de la seconde guerre mondiale

Lors de la mobilisation générale proclamée le 03/09/39 par la France et l’Angleterre, il rejoint, en tant que réserviste, son bataillon du régiment, 173ème RI des chasseurs alpins, sur les hauteurs de Bastia. Cependant, la débâcle, l’armistice, et la démobilisation arrivent rapidement. Dominique et Etiennette Salini sont informés par la radio de la prise du pouvoir par Pétain.
Le 12 février 1941, la municipalité républicaine de Hyacinthe de Montera est dissoute et remplacée par un maire nommé par Vichy, l’intendant général Gherardi.  Au lycée, Dominique Salini refuse catégoriquement d’arborer, à la boutonnière, l’insigne des « Amis de la Légion » à l’inverse de la plupart de ses collègues.
Après le débarquement des Alliés en Algérie le 8 novembre 1942, il s’attend comme les autres Corses à les voir arriver à Bastia. Malheureusement ce sont les troupes fascistes italiennes qui débarquent le 11 novembre 1942 dans le port de Bastia. Commence l’occupation de la Corse. Voir la vidéo « Faire face »
Par la radio de Londres, les Bastiais apprennent vite le sabordage de la flotte française à Toulon le 27/11/42 mais aussi l’échappée de trois sous-marins dont le « Casabianca » qui s’illustrera par la suite en Corse.

Son engagement dans la Résistance

Dominique Salini s’engage dès lors dans une résistance à l’occupant, dans un premier temps de manière informelle, avec ses collègues enseignants, Roger Soulairol, Simon Vinciguerra, Pierre Simi, et bien d’autres.  Il participe la nuit à l’affichage de papillons dénonçant l’intervention militaire vichyste contre les alliés en A.F.N. Son épouse, sera solidaire en permanence de cette clandestinité. Elle refusera que ses élèves chantent en classe l’hymne à Pétain « Maréchal nous voilà », ceci malgré les risques encourus.
En même temps, la répression s’abat rapidement sur les personnes connues depuis longtemps pour leurs opinions antifascistes. L’OVRA enferme 300 personnes dans la caserne Marboeuf, notamment l’abbé Zatarra, et le maire déchu Hyacinthe de Montera. La plupart seront déportées en Italie et parfois en Allemagne et Autriche

Par mesure de sécurité, son collègue Roger Soulairol ne lui dit pas qu’il a déjà été en contact avec le premier groupe de résistants de la mission Pearl Harbour dont fait partie son ami Laurent Preziosi. Un premier réseau de Résistants bastiais avait déjà été constitué en décembre 1942 sous l’égide de Hyacinthe de Montera incarcéré en 1941 et de son fils Joseph Louis Montera qui sera, quelques mois après, arrêté à son tour, et déporté en février 1943 comme plusieurs résistants du réseau.

A partir de mars 1943 le groupe de Salini se structure sur proposition de Simon Vinciguerra(dit Caïus) dont il deviendra l’adjoint (dit Brosse). Il s’élargit à tous les milieux professionnels et tous les quartiers de Bastia. Charles Galetti est chargé de l’organisation sur la basse ville (Terra Vecchia)  et Noël Fontana, sur la haute Ville (Terra Nova). Roger Soulairol consolide le réseau des enseignants avec Pierre Simi, tous deux professeurs d’histoire. Une organisation s’effectue aussi au niveau de différents métiers : chez les cafetiers, Joseph Gambotti dit Corso (ancien gendarme) Pancho Negroni (Place St Nicolas), Joseph Franceschi (Place du marché), chez les bouchers, M.Soulié (Place d’armes), dans la gendarmerie, l’adjudant Augereau, aux PTT, Jean Meria, dans la magistrature, le greffier du Tribunal, Ange Léonetti, à la gare et Césari. Par contre, chaque groupe était cloisonné pour éviter, en cas de torture après arrestation, de livrer les noms des résistants des autres groupes. D’ailleurs Dominique Salini ignorera pendant un temps que Dominique Poli sous-économe au lycée de Bastia intervient régulièrement, pour faciliter les transferts de résistants et d’armes par le sous-marin « Casabianca » , grâce à sa propriété à l’embouchure du Travo. Ce dernier est en contact régulier avec Jean Nicoli et Dominique Lucchini dit Ribellu.

 Brosse  a un triple rôle : structurer la ville (y créer des groupes de résistance clandestine et de combat), faire du renseignement, trouver des volontaires pour distribuer des tracts. Les réunions ont lieu chez Jacques Faggianelli, professeur et aussi ex maire-adjoint, ou chez Jean Meria, Ange Leonetti, Simon Vinciguerra. Au début le premier Comité de ville est composé de Salini, Galletti, Fontana, Soulairol et Cesari. Simon Vinciguerra devient l’intermédiaire entre les patriotes bastiais et la tête de l’organisation. Dominique Salini coordonne ses réseaux bastiais. Le mouvement s’appellera le Front National et regroupera des résistants issus de différentes obédiences.
Leur première action de lutte clandestine est la distribution des tracts à l’armée ennemie pour saper son moral. Simon Vinciguerra les traduit en italien après accord de rédaction. Joseph Gambotti les imprime et Dominique Salini se charge de prendre et distribuer les paquets, dans un sac d’enfant, aux différents responsables de groupe.

La libération de Bastia

Ils assistent à l’arrivée à Bastia des allemands qui adoptent une stratégie de courtoisie. Dominique Salini est néanmoins de plus en plus confronté à des missions clandestines délicates à exécuter. Par exemple, son déplacement à Lucciana auprès d’Ange-Toussaint Mordiconi, malgré les barrages de soldats italiens, pour que ce dernier avertisse par poste émetteur le sous-marin « Casabianca » de changer de destination, ceci pour éviter de se trouver sous le feu des batteries.
Après la capitulation de l’Italie, Salini prend la mairie, le 10 septembre 1943, avec Noêl Fontana et deux FFI de Vensolasca, à la demande de Vinciguerra, Poli et du jeune Léo Micheli qui occupent déjà la sous-préfecture. C’est lui, qui, du haut du balcon de l’hôtel de ville, annonce à la population, devant les allemands stupéfaits, que la ville n’obéit plus à Vichy mais rejoint la France combattante. Il investit ensuite avec quelques résistants l’imprimerie du journal «Le Bastia-Journal» pour distribuer désormais «Le Patriote» dont les deux premiers numéros ont déjà parus dans la clandestinité. Mais les Allemands reviendront en force sur Bastia et sa région. Les derniers d’entre eux quitteront Bastia le 3 octobre. (Les combats de Bastia ici. Le récit qu’en a fait Charles Zuccarelli, ici)

Dominique Salini devient le chef du Comité de ville mais, n’étant pas bastiais, il ne souhaite pas être le maire. Bastia ayant subi les lourds bombardements, il est désigné avec Dominique Poli pour être reçu par le préfet de la Libération, M. Luizet, pour représenter la seule ville sinistrée du département.  Celui-ci accepte la nouvelle délégation municipale composée de Jacques Fagianelli, Sébastien de Casalta, Dominique Poli, Joseph- Louis de Montera, Charles Galletti, Mle Emmanuelli, Ferracci, Jean Meria, Jules Michelangeli, Louis Orenga, Dominique Salini, Vinciguerra, Sghirla, l’abbé Zattara, Charles Zuccarelli.

Après la libération de la Corse

En 1945, il se charge de la tournée de propagande du Front National dans les cantons en tant que Président du Comité d’arrondissement de Bastia.  Après son activité dans la Résistance, il reprend tout simplement son métier d’enseignant et ne se porte pas candidat à une activité politique ni à la mairie, ni dans la région de Bastia. Sa mutation sollicitée, il est affecté à Constantine au poste de censeur du lycée d Aumale. Il est ensuite promu à Alger au poste de censeur du lycée Gautier où il doit gérer la fougue des lycéens durant la guerre d’Algérie. Ses opinions étant parfaitement connues, il sera inquiété par l’ O.A.S. et arrêté lors du putsch des généraux en avril 61. Il sera libéré à la fin de cet évènement.  Sa dernière affectation sera à Paris au lycée Buffon dont il sera le censeur avec le titre de doyen des censeurs de France. A sa retraite de l’Éducation Nationale, il regagnera la ville de sa jeunesse, Ajaccio, ceci jusqu’à la fin de sa vie qui s’achèvera le 6 juin 1981.

Ses décorations civiles et militaires

Chevalier de la légion d’honneur, médaille militaire, croix de guerre avec palme, médaille de la résistance, croix du combattant volontaire de la Résistance, promu au grade de lieutenant FFI à la libération de Bastia.

Georges PREZIOSI

… à l’appui des témoignages et informations fournis par les fils, Jean-Paul et Joseph Salini, et du livre «En ce temps-là, Bastia » de Dominique et Etiennette Salini, Imprimerie Siciliano.