I/ Sa jeunesse (avant la guerre 39-45) et son engagement politique

1.1/ Sa jeunesse

Origine de Taglio-Isolaccio d’où ses parents sont partis en 1911, Laurent Preziosi est né en Algérie à Maison-Carrée (Alger Xème) le 22 juin 1912. Pour avoir un emploi, son père, Delatour Preziosi, issu de famille très modeste, avait dû accepter une mutation dans le civil en Algérie après un engagement de 5 ans à Saïgon lors de son service militaire.
A 18 ans, Laurent Preziosi s’engage en politique puis crée en 1933 la section des Jeunesses socialistes de Maison-Carrée. Il est délégué au Congrès National de Moulins, le 12 et 13 avril 1936 à l’avènement du Front Populaire. Il devient en 1936 le secrétaire de la Fédération départementale créée par son ami Max-Pol Fouchet et participe comme délégué au Congrès National des J.S. à Limoges, Creil Marseille et Paris. Il fait partie de la tendance « Gauche Révolutionnaire » de la SFIO.
Dans le même temps, il poursuit, en 1933 ses études à l’université d’Alger où s’est constitué son large cercle d’amis parmi lesquels Yves Dechezelles, Albert Camus 1Camus pour sa part, atteint de tuberculose, décide d’agir en fonction de ses capacités et de ses compétences. L’écrivain quitte l’Algérie en août 1942 en se soignant préalablement sur les conseils de son ami et docteur, Stacha Cviklinski (ce qu’il fait du côté de Chambon sur Lignon) avant de se rendre à Paris pour prendre des responsabilités dans le journal de résistance « Combat »., Stacha Cvislinski, Max-Pol Fouchet, Myriam Salama. Fin octobre 36, il effectue son service militaire à Tours puis devient instituteur et adhère au syndicat National des Instituteurs dans la tendance « Ecole Emancipée ».
Ayant participé à la grève générale du 30 novembre 1938, il est suspendu de ses fonctions pendant six mois. Il rejoint le « Parti Socialiste Ouvrier et Paysan » de Marceau Pivert (1). Il parvient à trouver un travail de journaliste à « Alger Républicain » lancé à l’automne 1938. Il y est accueilli avec sympathie par Albert Camus avec lequel il renforce ses liens d’amitié.

1.2 / L’engagement politique clandestin (1940-1942)

Lorsque que la guerre éclate le 3 septembre 1939, Il est mobilisé dans le 9ème régiment d’infanterie et part en Tunisie. Le 22 juin 1940, jour de son anniversaire, il apprend la signature par Pétain de l’armistice avec l’Allemagne. Très rapidement, les autorités, mise en place en Algérie par le gouvernement Pétain-Laval du 10 juillet 1940, appliquent les premières mesures d’exclusion ; la mise au pas de l’administration (loi du 17/07/40, la lutte contre la franc-maçonnerie (23/08/40), l’antisémitisme d’état (automne 40), et la mise en place de centre d’internement dit de «séjour». Il fait partie des enseignants révoqués le 1er décembre 1940.
Dès lors, il participe le 20 décembre 1940 à la première réunion clandestine de la mouvance socialiste très à gauche, chez Hugues Fanfani (derrière l’hôpital Mustapha d’Alger). La plupart se retrouvera à Alger dans le groupe D, un parmi ces groupes de résistance qui aideront au débarquement des anglo-saxons, le 8 novembre 1942, et qui seront au 2/3 composés de jeunes issus de la communauté juive, défaite de ses droits civiques.
Révolté par l’emprisonnement de 60 militants de gauche dont les 27 députés communistes, Il rédige un petit journal «La Lumière Rouge», qu’il leur fait parvenir régulièrement à la Prison Centrale de Maison-Carrée avec la complicité notamment d’amis d’enfance surveillants, Donat Fumetti et Laurent Verger. A son tour, du fait de son passé de militant, son arrestation est imminente. Fin mai 41, Il est prévenu par le commissaire central d’Alger, Pierre Préa, (limogé juste après), qu’il sera certainement déporté dans le camp de prisonniers politiques de Djenein Bou-Rezg.

1.3. / Le repli en Corse pour éviter son arrestation

Début juin 41, Il s’embarque pour la Corse, via Marseille où il retrouve l’ex responsable des J.S des Bouches du Rhône, René Tomasino. Ce dernier, licencié de la mairie de Marseille par la nouvelle municipalité, lui apprend ne pas avoir encore connaissance de la constitution de groupe de résistance dans son département. Il lui propose de créer à Bastia, pour son entreprise marseillaise, une filiale d’import-export de fruits et légumes, lui permettant ainsi d’avoir un travail et de bénéficier d’une couverture. De son magasin bastiais, bd Emile Graziani, Preziosi sillonne ainsi la Corse sans éveiller les soupçons des autorités vichyssoises et s’appuie sur de nombreuses relations et sur sa famille. Son père et sa mère rentrés d’Algérie y résident désormais à l’année. Pendant toute cette période, il est surtout en contact régulier, avec son cousin Simon Leopoldi, qui se rend très régulièrement pour son activité professionnelle à Marseille et qui appartient au réseau de résistance de François d’Astier de la Vigerie, et avec le fils de l’ex-maire de Bastia, Joseph-Louis de Montera qui convie aussi à son appartement d’autres militants antifascistes comme les socialistes, Sébastien de Casalta, et Roger Soulairol. Il entre aussi en contact avec des libraires sur Ajaccio et Bastia pour faire diffuser la revue « Fontaine», créé par son ami Max-Pol Fouchet.

1.4. / Le retour en Algérie pour aider au débarquement des alliés

En mars 1942, averti par Max-Pol Fouchet de l’imminence d’une opération d’envergure des Alliés en AFN, il revient clandestinement en Algérie. Il doit s’établir à Oran où il n’est pas connu et attendre la consigne de retour sur Alger d’Yves Dechezelles (1) pour participer à l’opération de résistance (notamment avec Hugues Fanfani, Michel et Léon Brudno, Stacha Cviklinski; Paul Ruff, Bernard Amiot ).
Il est hébergé et protégé à Oran, soit par le Dr Albert Chiarelli, soit le Dr Alexandre Amouyal, pédiatre réputé, responsable socialiste, et ex-candidat à la députation. Il croise presque quotidiennement, dans la rue, Albert Camus* avec lequel il échange sur ce sujet, et sur la situation politique générale. Toutefois la consigne d’Alger tarde à venir (2).

II/ La période de résistance en Algérie (fin 1942)

2.1. / La préparation de l’aide au débarquement des alliés (l’opération Torch)
En octobre 1942, la consigne est enfin donnée par son ami Yves Dechezelles de se regrouper sur Alger. Dans le cadre du groupe Combat Outre-mer, ce dernier est en relation permanente avec le gaulliste, René Capitant

2.1.1 Les réunions préparatoires
Paul Ruff est désigné comme le chef du groupe opérationnel D et participe aux réunions des chefs de tous les groupes de résistance chez les parents de José Aboulker, un des grands responsables de cette opération de résistance. A l’origine, les tout premiers contacts avec les autorités américaines ont été effectués par un petit groupe de nationalistes français auxquels se sont joints par la suite un nombre très important de jeunes de la communauté juives, privée de droit civiques, et aussi des militants de gauche notamment dans le groupe D comme ceux précités.
Par ailleurs, comme ses compagnons, Preziosi est habitué à se réunir seulement avec 2 ou 3 personnes par mesure de sécurité, dans le parc de Galland (haut de la rue Michelet), ou au restaurant, Le Normand, rue Tancrède, où habite un de ses amis, Navarro, propriétaire d’une imprimerie, en sous-sol, Boulevard Pasteur où il leur éditera mi-novembre 42 des tracts contre Darlan, maintenu au pouvoir par les américains. D’autres rencontres ont lieu aussi régulièrement avec d’autres résistants rue Sadi Carnot (près du Champ de Manoeuvre) dans le magasin d’électricité de Joseph Briatte et de ses associés, Pierre Griffi et Mario Marret (qui deviendra un explorateur reconnu en Terre Adélie). Ceux-ci établissent des contacts radio avec les alliés.

2.1. 2 La distribution des armes et explosifs

Pour une raison inexpliquée, les responsables américains ne fournissent pas les armes promises aux chefs des résistants (José Aboulker, Mario Faivre). Le Colonel Germain Jousse (grand organisateur militaire de neutralisation des autorités vichystes) fournit, dès lors, les seules armes dont il peut disposer (fusils Lebel) et des brassards «VL» (Vigiles de la Place) utilisés par les vichystes civils.
Les principaux responsables du groupe D, après une réunion chez Dechezelles, décident pour leur part d’un cambriolage d’explosifs sur un chantier dans le tunnel où se construisait le grand égout collecteur d’Alger, (par le square Nelson en escaladant sa grille, près de la place du Gouvernement).
Ils se rendent ensuite chez les amis du garage Lavaysse pour introduire les détonateurs dans les cartouches de dynamites, au risque de tout faire sauter à l’intérieur.

2.2.3 les derniers préparatifs dès lors que la date de débarquement est fixée

Le 7 novembre à 23h, Yves Dechezelles apprend, en réunion de groupe, à Preziosi, comme aux autres, que le débarquement des alliés est fixé pour la nuit suivante. La résistance doit neutraliser tout le dispositif de défense mis en place par les autorités, dont, pour eux, l’occupation et la neutralisation du central téléphonique inter-régional près du Champ de Manœuvre.
En un temps record, les responsables des sous- groupes respectifs sont joints. Laurent Preziosi obtient, une petite camionnette gazogène prêtée par un ami garagiste, Fortuné Carro, pour contacter rapidement notamment les camarades du personnel pénitentiaire à Maison- Carrée.
Hugues Fanfani, agent de liaison avec plusieurs mouvements politiques, informe que :

  • les mouvements communistes (dont un nombre important est déjà emprisonné et dont l’accord avait été spontané), retirent leurs effectifs par crainte d’un piège vichyste (la rumeur d’un débarquement américain courait depuis trop longtemps)
  • les milieux nationalistes arabes, le PPA (et l’ex Etoile Nord-Africaine), confirment que ce combat n’est pas le leur *(communauté sans droit civique, et soumis, par tracts jetés par avion, à une forte propagande allemande pour leur indépendance) mais néanmoins plusieurs musulmans se sont joints à cette opération.

2.2/ Le jour de l’opération Torch des alliés

Le groupe D apprend à son point de ralliement que l’opération de libération des détenus politiques incarcérés à la prison de Maison-Carrée est abandonnée à cause de la défection trop importante de participants (environ 400 au lieu de 800 prévus). Laurent Preziosi décide, néanmoins, à l’improviste d’y aller, et effectue avec deux résistants plusieurs Km à pied pour libérer les prisonniers politiques. Sur le chemin, ils entendent les premières canonnades de la flotte alliée. Arrivés à proximité de la prison de Maison-Carrée, un groupe de 25 SOL, lourdement armés, est déjà posté devant l’entrée et rend impossible la libération des détenus. Par contre, le central téléphonique est investi par son groupe armé jusqu’à 11h du matin. Les seules liaisons sont celles effectuées par Paul Ruff notamment avec le commissariat central occupé. Toute l’opération est un succès au niveau de tous les groupes. Les alliés progressent rapidement dans Alger avec très peu d’effusion de sang grâce à l’intervention préalable des résistants.

2.3 / La lutte contre le maintien de Darlan au pouvoir et le recrutement pour une mission en Corse

Malheureusement, cette journée devient «la journée des dupe ». Les américains redonnent des responsabilités importantes à Darlan, pourtant arrêté par les résistants. Les principaux du groupe D, dont Laurent Preziosi, soit une douzaine de personnes, décident d’une campagne d’affichage, la nuit, durant quinze jours dans les principales rues d’Alger. Des tracts-papillons : «Darlan = Traite» et «L’amiral à la flotte», imprimés à 60.000 exemplaires, sont collés. Fanfani et Amiot jettent même d’un balcon une partie de ces tracts, un jour de passage officiel de Darlan.

III/ La période de résistance en Corse (fin 1942-1943)

3.1/ Le recrutement pour la mission appelée « Pearl Harbour »

Lors d’une discussion sur la Corse dans le magasin de Joseph Briatte, Laurent Preziosi fait part, sur la base de sa présence sur l’ile en 41-42, de ses contacts, et de la capacité du peuple corse à résister, de sa volonté d’y contribuer. Pierre Griffi le met dans la confidence et lui annonce qu’il est avec lui un des hommes idoines recherchés actuellement par les Services Spéciaux de la Défense française pour engager une stratégie de libération de la Corse. Le colonel Jousse est probablement la personne qui a témoigné de leurs engagements mais aussi de celui de son secrétaire, Toussaint Griffi, le cousin germain de Pierre Griffi.
Pour cette mission, Ils font d’abord la connaissance du Commandant du sous-marin, Jean L’Herminier, qui doit les acheminer. Celui-ci avait posé comme condition aux autorités que cette mission ne soit pas préalablement connue par l’Amiral Darlan. Dès que les différents participants sont mis en contact, Ils sont reçus à El Biar dans le bureau du Colonel Ronin, chef des services spéciaux. Après l’exposé des différents supérieurs de ces services sur la mission, il est fait état que le Commandant du sous-marin décidera lui-même du lieu d’arrivée, d’où les contacts seront improvisés par les agents, ceci pour éviter tout risque de dénonciation. De là, ils suivent une préparation commando.
Pendant ce temps, alors que, Laurent Preziosi est déjà engagé dans la mission, plusieurs de ses compagnons du groupe D du 8 novembre seront arrêtés sachant que plusieurs éléments vichystes ont été maintenus au pouvoir et que la confusion règne avec les autorités américaines.

3.2. / Les premières contacts aléatoires

Le départ devait s’effectuer le 7 mais une indiscrétion le retarde. Le groupe ainsi constitué, le commandant de Saule, Laurent Preziosi, les cousins germains, Pierre et Toussaint Griffi, est débarquée du sous-marin Casabianca dans la nuit du 13 au 14 décembre 1942 en baie de Topiti (au nord de Cargèse). A 1h du matin le youyou glissant sur une mer très calme est conduit par 2 jeunes marins, le quartier-maître Jean Lionnais et le timonier Pierre Vigot, l’enseigne de vaisseau Georges Lasserre qui, après avoir déposé sur le rivage les agents, retournent ensuite au sous-marin. Par chance, ils n’ont pas amerri dans la baie qui avait été choisie et où se trouvait un important campement militaire italien.
Le radio Pierre Griffi et l’américain Frédéric Brown trouvent une cache au bord du rivage pendant que les 3 autres partent pour prendre contact avec des patriotes. Après quelques péripéties, ils atteignent la route de Revinda où la première rencontre primordiale est celle de l’abbé Mattei.
Grâce à sa complicité et celle de la population, notamment de Dominique Antonini, de François Alessandri, de Charles Nesa et de sa famille, et de celles des Versini, Camilli et Alfonsi, les clandestins, avec leur poste radio, sont hébergés le 15 décembre à Marignana. Toutefois, la veille, une forte houle a fait perdre le matériel amené par le sous-marin, et a empêché les sous-mariniers, Lasserre, Lionnais et Vigot d’y retourner avec leur youyou.
Alors que De saule et le radio Pierre Griffi vont se sédentariser dans la région pour émettre dans de bonnes conditions avec Alger et structurer le réseau, Laurent Preziosi, avec Toussaint Griffi, partent le 17 décembre sillonner la Corse pour nouer les contacts, créer des réseaux et obtenir l’accord de réseaux déjà existants.

3.3. / La constitution d’un 1er réseau à Corte

Le 17 décembre 42, ils se rendent d’abord à Corte par les sentiers de montagne pour constituer un réseau et y parviennent avant la nuit. Ils s’arrêtent d’abord chez l’oncle de Laurent Preziosi, Xavier Grazietti, commerçant ambulant connu dans toute l’ile, ceci pour notamment obtenir un point précis sur la présence des troupes italiennes. Ils bénéficient donc d’informations intéressantes. Ils parviennent rapidement à constituer sur cette ville un groupe dont le responsable sera Pascal Valentini, avec notamment Antoine Grisoni, sous-officier à la retraite, Loesch, ancien légionnaire, Jacques Albertini dit Ferro, maréchal-ferrant, Antoine Campana, cheminot, Jeanne Albertini, employé EDF. Ce réseau s’étoffera au fur et à mesure.

3.4 / La constitution du réseau de Bastia

Après cela, toujours par prudence, Laurent Preziosi part seul en train sur Bastia, alors que Toussaint Griffi va donner signe de vie à ses parents à Poggio di Nazza, que Pierre Griffi a trouvé plusieurs lieux pour émettre dans Corte, et que de Saule y arrive à son tour pour prendre connaissance de la constitution du réseau.
Arrivé donc seul à Bastia, il se rend directement au pied de la gare ferroviaire, 4 rue Gabriel Péri, chez son autre oncle, Jules Olivier, chef des bureaux de la Sté Générale, et son épouse, sœur de sa mère née Grazietti. Tous deux l’informent de la situation politique et militaire dans Bastia. Il va le lendemain chez Joseph Louis de Montera, qui, pour faire part de sa mission, le convie à une réunion avec d’autres résistants le soir même chez son père, Hyacinthe de Montera, maire radical de Bastia, déchu par Vichy. Le surlendemain, il se rend chez la famille Roger Soulairol, enseignant et ex responsable des Jeunesses socialistes de l’Hérault, qui se retrouvera à partir de mars 1943 dans le groupe structuré de résistants de Dominique Salini, lui-même adjoint de Simon-Jean Vinciguerra.
Durant les fêtes de Noel 42, l’équipe est regroupée autour de l’ex-maire, Hyacinthe de Montera, son fils Joseph Louis, Sébastien de Casalta, Charles Clément, l’ex-secrétaire général de la mairie, Dominique Vecchini, Dominique Poli. Roger de Saule qui les a rejoints sera hébergé par le maire. Preziosi et Toussaint Griffi seront hébergés par Dominique Casanova. Le 24 décembre, Ils apprennent par la radio que Darlan a été assassiné à Alger. Après un retour à Corte, Pierre Griffi leur signale qu’il y a échappé de peu aux chemises noires, très présentes dans la ville, lors de l’envoi d’un de ses messages radio de chez Loersch.

3.5/ La constitution des réseaux de Balagne

Le 8 janvier, Laurent Preziosi toujours accompagné de Toussaint Griffi se rend en Balagne. Ils sont pris en charge en gare de Bastia par les camarades cheminots dont Henri Leoni et Honorat Medori et font une partie du voyage en train avec Raoul Begnini. A l’Hôtel Bonaparte d’Ile Rousse, Ils rencontrent des résistants du groupe de de Montera et partent ensuite à vélo à St Florent faire la connaissance du chef de groupe de cette région, Pierre Casale. Ils sont contrôlés à l’entrée de la ville par des gardes très méfiants mais finissent par être hébergés par Pierre Casale, qui leur présente ses compagnons dont le peintre Barta. Sur les conseils de ceux-ci pour leur retour à Bastia, ils prennent cette fois-ci le car. Toutefois, le lendemain, ils voient Barta qui traverse la Place St Nicolas menotté entre deux soldats. Il a été dénoncé après avoir été vu avec eux à l’arrêt du car la veille.
Par la suite, en février 43, plusieurs personnes seront arrêtées, dont certaines du réseau de Bastia, et transférées dans des camps d’internement en Italie (Casale, Barta, Giorgi, Scotto, l’hôtelier Padrona , et sur Bastia, de Montera fils, l’instituteur Dominique Simonpaoli, Henri Leoni, Raoul Catta, transporteur, etc…).
Ce n’est qu’après la rencontre avec le réseau Front National d’Ajaccio, qu’ils iront en micheline à Calvi rencontrer les frères Dominique Spinosi et Roch Spinosi. Ils y restent pendant une semaine afin d’effectuer leurs missions de renseignement avec l’appui d’autres compatriotes dont Jean-Baptiste Le Bras et Dominique Casanova (homonyme de celui de Bastia). Grâce à eux, ils sont informés de tous les points sensibles de la ville où l’ennemi a installé un dispositif de défense (canons, blockhaus, postes de mitrailleuses, etc.) contre tout éventuel débarquement de commandos alliés, ainsi que les lieux où les troupes sont logées. Les frères Spinosi se chargent de mettre en place l’organisation clandestine pour l’insurrection armée et assumeront jusqu’à la libération de la Corse la responsabilité de ce secteur.

3.6 / La rencontre avec le réseau d’Ajaccio
Vers la mi- janvier 43, ils se rendent en train à Ajaccio, la capitale, et rencontrent préalablement Nonce BeniellI et Arthur Giovoni, par l’intermédiaire de Jacques Tavera. Ils leur font part du projet de débarquement, de la structuration préalable de réseaux sur toute la Corse pour le réaliser, et leur demandent quels sont leurs besoins. Ils leur précisent aussi que les autorités d’Alger ne demandent pas à la résistance corse d’être à leurs ordres mais qu’elles ne pourront toutefois engager un débarquement si elle n’est pas prête. Les responsables ajacciens font part d’un besoin préalable d’armes pour se tenir prêt le moment venu sur toute l’île. Avec eux et d’autres responsables sur la région ajaccienne, ils se réunissent, tous, très régulièrement, dans l’appartement de la veuve d’un soldat de 14-18 et de ses enfants, les Stefanaggi, près de la gare ferroviaire, ceci pour faire le point sur les réseaux en Corse et les contacts avec Alger pour l’approvisionnement en armes.
Laurent Preziosi est logé chez une vieille dame avec le radio Pierre Griffi pendant cette période ajaccienne. Toussaint, le cousin germain militaire de ce dernier, est logé avec le chef de mission, Roger de Saule par un cafetier du centre de la ville. Plusieurs personnes sont chargées de faire remonter les informations dans leur domaine respectif d’activité ; notamment le commissaire Vallecalle pour la police, Roger Doudon, ingénieur, pour les dépôts de carburants, Antoine Cascalès, docker pour les activités dans les ports, Martin Borgomano et François Giovanelli, cafetiers, pour les informations auprès de la clientèle.

3.7. / Les premières livraisons d’armes et matériel

Après avoir obtenu l’accord des responsables de la résistance qui ont démontré leur capacité prochaine à coordonner tous les volontaires sur l’Ile et exprimer leur très grande insuffisance en armes, Pierre Griffi transmet ce message radio à Alger. De là, les autorités françaises s’engagent à expédier cet armement par le Casabianca.
Ainsi, Laurent Preziosi et ses compagnons participent à la première importante réception d’armes par le Casabianca (4.500 mitraillettes et 60.000 cartouches). Elle a lieu le 6 février 1943 sur la plage d’Arone (au sud de Piana) avec les responsables locaux et ceux d’Ajaccio, dont notamment le responsable militaire Jean Nicoli, et ses adjoints André Giusti, François Carli et André Bozzi. Deux agents qu’ils ne connaissent pas ont été débarqués du Casabianca pour intervenir sur le Sud de la Corse, Michel Bozzi et son radio «Chopitel». En outre, une fois encore, du fait de conditions difficile d’amerrissage, 2 sous-mariniers n’ont pas pu regagner le Casabianca, Paul Asso et Robert Cardot. Les agents débarqués se présentent à Roger de Saule et l’informent que leur valise radio a été endommagée. Grâce à Pierre Bianchi, socialiste, qui a la particularité d’appartenir au réseau « Action R2 » et au réseau « Pearl Harbour», une entrevue a lieu entre Roger de Saule et Fred Scamaroni, responsable de la mission R2, lequel accepte de remettre une valise radio en état de fonctionnement.
Sur les recommandations de Pierre Bianchi, ils se rendent à Sartène pour faire part de leur projet au directeur d’école, Filippi, qui leur déclare que ses habitants sont très surveillés, très hostiles à l’occupant et prêts à s’impliquer, comme lui. Il les renseigne sur la présence exacte des troupes ennemis.
Après plusieurs aller-retours de ville en ville, toute la Corse fut coordonnée quand Laurent Préziosi avec Pierre ou Toussaint Griffi, rencontreront avec Jean Nicoli, François Carli et André Giusti notamment, à Bastia Jacques-Louis de Montera, Dominique Casanova, Roger Soulairol, Sébastien de Casalta, Dominique Poli, Michel Seï et aussi notamment à Ile Rousse les responsables de Balagne. Néanmoins, depuis l’arrestation du peintre Barta, l’équipe de Pierre Casale sur St Florent était constamment sous très étroite surveillance, et manifestait ses difficultés à demeurer sans armement.
Plusieurs fois durant ce périple, ils sont confrontés à des barrages routiers que Jean Nicoli est prêt à franchir s’il le faut l’arme au poing pour les protéger, quitte à se sacrifier. Ils préfèrent à chaque fois pénétrer le maquis et ne pas éveiller de soupçons sur la présence d’agents venus de territoires alliés.

3.8./ Le réseau d’Ajaccio devient le lieu pivot de la résistance

Une forte solidarité s’est installée parmi les résistants. En réunion, Il écoute, avec enthousiasme, comme tous les autres, la proposition de Jean Nicoli appuyée par André Giusti et Jules Mandoloni qui ont déjà élaboré un plan d’enlèvement d’un général italien à Petreto. Ce dernier serait expédié par le Casabianca à Alger. Malgré le retentissement national dont pourrait bénéficier la réussite de cette action, le projet est refusé par Alger qui craint une forte riposte répressive, susceptible de compromettre la réussite du futur débarquement.
En outre, le 24 février 1943, Laurent Preziosi, Toussaint Griffi et Pierre Griffi reçoivent l’ordre de rentrer à Alger parce que l’occupant italien a connaissance de la présence de ces agents extérieurs sans avoir ni leurs noms ni leurs descriptions. Leur mission est quand même accomplie.
A ce sujet, lors d’une réunion des principaux responsables à Ajaccio, Jean Nicoli et plusieurs membres de son équipe se sont portés volontaires pour protéger leur départ de l’Ile jusqu’à l’accès au sous-marin Casabianca à Solenzara. Dominique Poli est chargé d’organiser leur venue. Ils sont tous logés le soir du 7 mars dans un hôtel de cette commune dans l’attente de l’arrivée du sous-marin. Après moulte péripéties, le Casabianca n’apparaîtra que dans la nuit du 10 mars dans l’anse de Favone pour les récupérer avec les 5 sous-mariniers. Pierre Griffi informe le Commandant L’Herminier qu’en définitive, il ne sera pas du voyage, sa mission radio se poursuit. Deux autres agents, Jean-Etienne Lefèvre et Joseph Luigi, dont l’arrivée n’avait pas été signalée, débarquent pour renforcer la résistance.
A l’arrivée à Alger le 14 mars, Laurent Preziosi et Toussaint Griffi, fournissent toutes les informations dont ils ont pu disposer et confirment les différents accords qu’ils ont obtenus (par confirmations plus précises de ce qui avait été transmis au préalable par radio). Ils déclarent, notamment devant Paulin Colonna d’Istria, celui qui va devenir le nouveau chef de mission, que le Front National, auquel ils ont adhéré, est désormais la seule structure qui permettra la coordination militaire de la résistance. Ces adhésions (comme celle de Pierre Griffi), ne faisant pas partie de leur mission, leur seront vivement reprochées.
Laurent Preziosi malgré la promesse qui lui avait été faite de retourner en Corse pour la libération de l’île ne pourra y participer. Il sera en revanche débarqué sur les côtes de Provence pour participer à l’opération « Dragoon » comme officier de liaison, ceci jusqu’à à Paris en septembre 1944.
Il participe ensuite au Gouvernement provisoire de la France libre dans le cabinet d’Adrien Tixier, ministre du Travail et des Affaires sociales puis dans celui d’Alexandre Parodi d’où prendra naissance la nouvelle et définitive carrière de haut fonctionnaire de Laurent Preziosi. Il sera par la suite délégué français à la Conférence internationale du Travail et auditeur à l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale.

Antoine Poletti (sur la base de, plusieurs ouvrages dont 1ère mission en Corse occupée, et du témoignage de Georges Preziosi, fils de Laurent Preziosi,)

Décoration :
Officier, de la légion d’honneur, et de l’ordre national du mérite
Croix de guerre 39-45 avec palmes et étoiles
Médaille de la Résistance
Médaille militaire, et de combattant volontaire de la Résistance
Médaille d’or de l’Etoile Civique


* néanmoins certains membres de la communauté arabo-musulmane participeront à cette opération