Responsable de la Résistance et du F.N. du Niolu

LES ANNÉES DE JEUNESSE.

Troisième enfant d’un père navigateur, Raymond Lenziani quitta le lycée de Bastia, après la classe de Quatrième, suite à un renvoi pour indiscipline. Aussi, son père l’inscrivit à l’école d’apprentissage François Masson à Marseille. Par la suite, il s’engagea à l’âge de 18 ans dans la marine nationale à Toulon, d’où il sortit en 1929 avec le grade de Second Maître chauffeur/mécanicien (il fut également instructeur mécanicien). Durant sa formation, il servit sous les ordres du commandant, futur amiral, Jean de Laborde, à bord du Béarn, premier porte-avions de la marine française.

Rentré à Bastia, il occupa un temps le poste de contremaître des quais du port de commerce, et ce, suite à la mort de son père (1928), lequel était titulaire de la fonction. Au début des années trente, il exerça successivement les métiers de cafetier, employé à la Banque de la Corse et, dès 1935, représentant des établissements Damiani (vins et spiritueux), lesquels furent fondés, entre autres, par son frère René. Politiquement marqué à gauche (radical-socialiste), il participa à la campagne du sénateur Paul Lederlin (1930 et 1938).

GUERRE ET RÉSISTANCE.

Lorsque éclata la Seconde Guerre mondiale, Raymond Lenziani fut mobilisé à Bastia (chef de quart aux transmissions), puis à La Seyne/Toulon, enfin à Oran-Arzew (Algérie), en tant que Second Maître chauffeur. Le 03 juillet 1940, lors du bombardement de la flotte française par l’escadre britannique (opération Catapult) à Mers el-Kébir, il sauva de la noyade 18 de ses camarades marins (il faut rappeler qu’il avait été champion de France du 100 mètres nage libre dans la marine, de même que champion de France de Water Polo en 1928, dans la même arme – sans compter un titre de champion de Provence de boxe, en 1922).

Lorsqu’il retourna en Corse après sa démobilisation, Raymond Lenziani manifesta des sentiments anti pétainistes, tout comme le reste de sa famille, à l’instar de son frère René, en contact avec les membres du Parti communiste. Marié au Niolu (région du centre-nord-ouest de la Corse), Raymond Lenziani, sollicité par le frère de sa belle-mère, Antoine Grisoni, rejoignit la Résistance locale, au lendemain de l’occupation de la Corse par les troupes italo-allemandes (novembre 1942).

De février à octobre 1943, il occupa la fonction de responsable organisation (avec le grade de capitaine FFI, sous le pseudonyme de Tarzan) du canton du Niolu, assisté du capitaine Alfonsi, responsable militaire. Accomplissant un certain nombre de missions dangereuses dès sa prise de fonction (messages pour le Haut commandement, déplacements en compagnie d’autres responsables, dont le célèbre Jean Nicoli), Raymond Lenziani fut chargé de superviser le fonctionnement du premier terrain de parachutage, installé au printemps 1943 au-dessus du village de Corscia, dans le massif montagneux de Penna Rossa (Plume Rouge), dont le nom de code était Aigle.

Au cours de l’été 1943, le terrain de parachutage fut encerclé par les troupes italiennes (suite à une dénonciation), ce qui obligea le responsable organisation, sur les instructions d’Alger, à aménager un nouveau site, situé cette fois en face du village de Calacuccia (chef-lieu du canton), à 1600 mètres d’altitude, sur un plateau nommé Pasciu. À cette occasion, Raymond Lenziani reçut le message suivant : « L’oiseau parlant remplace l’oiseau de proie », ce qui signifiait que le nouveau nom de code était Perroquet. Arrêté à deux reprises sur dénonciation, Raymond Lenziani réussit à déjouer la méfiance des Italiens, exerçant son activité sans relâche, notamment dans la réception et  l’organisation du transport des armes destinées aux résistants niolins (2 mortiers et 75 mitraillettes Sten) et du stockage de celles-ci. De même, il dut exécuter une personne qui manifestait l’intention de fournir des renseignements aux autorités d’occupation sur le réseau de résistance.

En septembre 1943, au moment du soulèvement de la Corse contre l’occupant, il procéda, en tant que délégué cantonal du Front National (l’équivalent de Conseiller général) pour le Niolu, au remplacement des délégations spéciales issues du régime de Vichy. Le 12 septembre de la même année, dans le cadre d’une mission pour le Front National, il fut arrêté à Casatorra (localité située à quelques kilomètres au sud de Bastia), en compagnie du capitaine Alfonsi. Sur le point d’être fusillés par la patrouille allemande qui les avaient arrêtés, ils profitèrent d’une échauffourée entre les Allemands et des soldats italiens (l’Italie étant devenue cobelligérante aux côtés des Alliés) pour s’enfuir (Raymond Lenziani empoignant à cette occasion son compagnon de lutte, et lui faisant sauter le mur contre lequel ils avaient été placés) et rejoindre Bastia et terminer leur mission. Dans la foulée, et en prévision d’une attaque allemande sur la zone de Ponte Novu-Barchetta (Sud-Ouest de Bastia), il se trouva à la tête de 88 hommes, en tant que commandant d’unité, pour prendre position et participer aux combats.

À partir du 9 décembre 1943, après avoir adhéré au Parti communiste, il fut nommé chef de service au groupement des farines à Bastia, et ce, jusqu’au 29 février 1948. Entre temps, il fut cité à l’ordre de la division, en 1944, puis décoré de la Médaille de la Résistance française et de la Médaille de combattant volontaire, en 1947.

L’APRÈS GUERRE.

Au lendemain de la libération de la Corse, Raymond Lenziani reprit son activité de militant communiste, animant de nombreuses réunions pour le Front National et son parti. En 1946, il reprit une nouvelle activité de cafetier, ouvrant, en association, La Crêmerie du Port, à proximité du port de commerce de Bastia, en faisant le point d’ancrage de nombreuses activités sportives (basket, cyclisme, pétanque) et culturelles (concours de chants radiophoniques).

Au début des années cinquante, il rejoignit la marine marchande, en tant que veilleur (Mont Viso) puis écrivain (Campana). En juin 1953, à bord du Mont Viso, au moment de débarquer à Puerto-Rico (territoire sous l’influence des États-Unis), il fit preuve d’une attitude extrêmement courageuse à l’égard des autorités américaines, lorsque celles-ci, par l’intermédiaire de l’Inspecteur d’Immigration, lui posèrent la question de son appartenance au Parti communiste (le contexte de l’époque était celui du «  maccarthisme »). À cette question, il répondit : « Je suis embarqué sur un bateau battant pavillon français et j’estime que mes opinions politiques ne regardent que moi. Je n’ai pas à vous répondre ». Le courage et la fierté de la réponse lui valurent les félicitations de tout l’équipage. D’ailleurs, l’épisode fit l’objet d’un article dans le n° 60 (juin-juillet) de L’officier de la Marine Marchande.

En 1958, lors du retour du général de Gaulle et des événements de mai à Bastia, il organisa, avec la complicité du commandant d’un chalutier, le départ pour le continent de Maître Sébastien de Casalta, 1er adjoint au maire de Bastia, et de Pierre Guidicelli, dirigeant du Parti communiste, et ce, malgré la présence de la Légion qui occupait le port de commerce de la ville. En 1961, après avoir quitté La Crêmerie du Port, il entra comme représentant aux établissements Solfin (lingerie), jusqu’en 1986, année de sa retraite professionnelle.

Au début des années 70, le Parti communiste de Haute-Corse présenta sa candidature au siège de Conseiller général du canton de Luri (berceau de la famille Lenziani), mais le succès ne fut pas au rendez-vous (malgré un bon score – 188 voix). Les dernières années de sa vie furent consacrées à son activité au sein de l’ANACR (association des anciens combattants et résistants) et des Amis de la Résistance. Également Médaille d’Argent de la Jeunesse et des Sports (1962), Raymond Lenziani s’éteignit dans son sommeil, le 16 février 1998 à Bastia.

Hubert LENZIANI.  (Archives personnelles de l’auteur)