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Archives : éditoriaux Résistance et Révolution

26 juillet 2011
La candidate des « Verts », Eva Joly, n’a pas apprécié le défilé militaire de la cérémonie officielle du 14 juillet. Elle préfèrerait un défilé citoyen. Voire! De là est née une polémique, enflée des propos du premier ministre qui a disqualifié Eva Joly pour cette critique eu égard à son origine suédoise : Eva Joly n’est pas assez Française à son goût! Et ce faisant, M. Fillon prend l’exact contrepied d’un principe proclamé par la Révolution: les Français(es) considéré(e)s sans distinction d’origine, de race ou de religion. Carton rouge M. Fillon !

 

En Corse, ce ne sont pas les modalités de cette célébration qui font problème à quelques uns mais bien la célébration elle-même. Dans la nuit qui précédait la cérémonie des individus ont profané les monuments aux morts de Barchetta et Volpajola en taguant (Francesi fora, FLNC) et en brûlant un drapeau français; un haut fait d’armes (!) qui a soulevé l’indignation.

Faut-il rappeler que l’appartenance de la Corse à la nation française fut la principale motivation de la Résistance insulaire face aux prétentions annexionnistes de Mussolini. Pas surprenant dès lors que la Corse aussitôt libérée, les Corses aient commémoré avec éclat le 30 novembre 1943 l’anniversaire de la proclamation du rattachement volontaire de la Corse à la France (30 novembre 1789). Il y eut même ce jour-là un détachement d’éclaireurs-skieurs du 1er régiment de Tirailleurs marocains qui fit l’ascension du Monte Cinto pour planter un drapeau tricolore sur ce plus haut sommet de Corse.

Cette référence de la Résistance corse à la Révolution, coulait de source. La lutte des Corses pour se libérer du joug génois puis de l’absolutisme français a touvé un aboutissement dans la Révolution. Et quand bien même la Terreur a persécuté Pascal Paoli, figure emblématique des luttes de libération, « U Babbu », homme des Lumières, est resté fidèle aux idéaux de la Révolution (1)

En revanche, la Révolution était une contre-référence- pour Pétain qui reprenant Maurras déclarait en 1939 : « 150 années d’erreur ». Pour les Nazis aussi : « 1789, une date à rayer de l’histoire » selon Goebbels et c’est la mission qu’avait confiée Hitler au Reichsleiter Rosemberg. L’idéologue vient à Paris en ce mois de novembre 1940 pour y donner, dans la salle des séances de l’assemblée nationale (congédiée par Pétain), une conférence qu’il intitule : «Règlement de comptes avec les idées de 1789 »(2). Mais, étaient-ce seulement les Français à qui s’adressait Rosemberg ? Non, pas seulement eux, tant il est vrai que « La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen mentionne bien l’origine de sa rédaction, mais ne limite en aucune manière sa destination » fait remarquer notre compatriote, le philosophe Jacques Muglioni (3). « L’universalité de l’évènement a été immédiatement ressentie hors de France, ce qui signifie qu’il a aussitôt été compris comme exemple et comme principe pour toute l’histoire future. Une idée vraie ne porte aucune marque d’origine.

On ne peut pas non plus sans mauvaise foi contester l’universalité des principes en rappelant, ce qui est vrai, qu’ils n’ont pas été partout suivis d’application, qu’ils ont été souvent bafoués (…). Une simple mais solennelle proclamation [qui] a permis d’apprécier l’écart entre l’idée et la réalité(…). L’évènement historique, c’est que les mots mêmes deviennent irrécusables, ne peuvent plus être oubliés, sont des principes pout tout l’avenir humain. Une simple proclamation a pu faire que les évènements ultérieurs d’avance étaient jugés. Le seul énoncé public de principes rendait d’un coup l’histoire véritablement universelle ». C’est très exactement ce qui selon le mot de Kant, rend la Révolution « inoubliable ». Tout comme est inoubliable la Résistance.

Certains n’ont peut-être rien appris de l’histoire. Mettons ça donc au compte de l’ignorance. A moins qu’ils n’aient rien oublié. Alors ce serait une autre histoire.

Antoine POLETTI

  1. Dans une lettre à l’abbé Giovanetti du mars 1802 Paoli écrit : « Louons le ciel. Liberté et bonnes lois, cela notre pays l’a obtenu grâce à un de nos compatriotes (NDLR : Napoléon).Dans le système présent de la politique européenne, nous n’aurions pas pu jouir de ce bien en formant un état indépendant. »
  1. Georges POLITZER. « Ecrits 1. La philosophie et les mythes » (Editions sociales 1969) p. 315
  1. Jacques MUGLIONI. « L’école ou le loisir de penser » (Editions C.N.D.P. 1993) p. 198

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