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Archives : éditoriaux Pour Sarah et tous les autres

26 juillet 2011
Il aura fallu plus de 50 ans pour que soit enfin reconnue la responsabilité de l’Etat français dans la déportation de milliers de Juifs. Ce fut par la voix du Président Jacques Chirac dans une allocution prononcée le 16 juillet 1995 devant le monument qui commémore la rafle du ‘Vél. d’Hiv’. « Ces heures noires, déclarait-il, souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français. Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 4 500 policiers et gendarmes français, sous l’autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis. Ce jour-là, dans la capitale et en région parisienne, près de dix mille hommes, femmes et enfants juifs furent arrêtés à leur domicile, au petit matin, et rassemblés dans les commissariats de police.(…) La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. » C’est le destin de l’une de ces victimes, une enfant, Sarah, que narre Tatiana De Rosnay dans son livre. Et pour ne pas oublier Sarah et tous les autres, une journée du souvenir est inscrite au calendrier mémoriel de la nation. C’est le 17 juillet à 11 H 30, place du marché qu’aura lieu à Ajaccio la cérémonie « en mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites du gouvernement de Vichy (1940-1944) et en hommage aux ‘Justes de France’».

 

« Elle s’appelait Sarah »

par Tatiana De Rosnay.

Julia Jarmond est journaliste pour un magasine américain. Mariée à un français elle vit à Paris depuis de longues années. En mai 2002 elle est chargée de couvrir la commémoration de la rafle du Vél. d’Hiv. (Le Vélodrome d’Hiver). Au cours de ses recherches elle est confrontée au silence et à la honte qui entourent le sujet. Au fil des témoignages elle découvre avec horreur le calvaire des familles juives raflées, et en particulier celui d’une enfant : Sarah. Malgré la désapprobation de la famille de son mari, Julia décide d’enquêter sur le destin de la fillette et de son frère. Soixante ans après, cela bouleversera, à ses dépens, sa vie de famille.
A l’histoire de la journaliste se superpose celle de Sarah avec laquelle, à priori elle n’a rien de commun. Mais Julia va devoir faire face à un poids terrible, celui du secret, de la culpabilité. Le poids de l’Histoire qui se mêle à sa propre histoire. Lever le voile sur la première va alors être nécessaire pour continuer la sienne.
Les chapitres courts et en alternance -Sarah/Julia- maintiennent une tension qui va en s’amplifiant et l’émotion est là, présente souvent à des moments inattendus. Ce livre nous permet de suivre la petite Sarah une de ces enfants juifs, qui en juillet 1942 ont été déportés lors de la rafle du Vel’ d’Hiv.. Rapidement, il ne fait aucun doute au lecteur que cette petite fille n’est que le reflet de tous les enfants enfermés ce jour-là. L’auteur nous décrit, avec une justesse poignante les conditions d’enfermement, les sentiments confus d’une enfant que la vie confronte trop jeune à la violence des adultes « ……Tant de haine, tant de souffrance, tant de désespoir dans ses yeux ! Le regard d’une femme dans le visage d’une petite fille de dix ans…… »

16-17 juillet 1942 : « La Rafle »

Sous la houlette de Heydrich, le gratin des dirigeants nazis, réunis à Wansee (banlieue de Berlin) le 20 janvier 1942, donnent l’impulsion décisive pour la destruction des Juifs d’Europe.
Les représentants nazis des territoires occupés sont sollicités pour exécuter des rafles et organiser des convois vers Auschwitz. Lors d’une visite à Paris, Eichmann déclare « Le rythme prévu jusqu’ici de trois transports hebdomadaires concernant chacun 1 000 Juifs devra être intensifié rapidement, en vue de libérer totalement et le plus vite possible la France de ses Juifs. » Jean Leguay (délégué de la Police de Vichy en zone occupée) et René Bousquet (Secrétaire général de la Police française) mettent la police française à la disposition des Allemands pour faire la rafle. La rafle se déroule sur deux jours, les 16 et 17 juillet 1942. Seule la police française accompagnée de quelques officiers nazis sera dans les rues durant ces deux jours. Dès l’aube, les policiers français frappent aux portes des appartements où on leur a dit d’arrêter les Juifs. Ils les conduisent vers des autobus qui les emmènent au Vélodrome d’Hiver.

Nom de code « Vent printanier »

Le Vélodrome d’Hiver était un stade couvert destiné aux courses de vélos. C’est sur les gradins que furent entassés les juifs arrêtés : plus de 300 hommes près de 6 000 femmes et à peu près 4000 enfants vécurent dans des conditions effroyables en attendant leur acheminement vers les camps français puis la déportation. Soit au total environ 12 900 juifs étrangers. Ce fut une « déception » pour les nazis et la police française qui « espéraient » le chiffre de 15 000 juifs. Dans un premier temps conduits à Drancy, Beaune-la-Rolande ou Pithiviers ils seront déportés vers Auschwitz. Au cours des mois de juillet et août les convois se succèdent très rapidement : 20 entre le 19 juillet et le 30 août 1942

La reconnaissance pour lutter contre l’oubli

Il aura fallu attendre 1995 pour qu’enfin un Président de la République, en l’occurrence Jacques Chirac dise « …Oui, la folie criminelle de l’occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l’Etat Français…….. », reconnaissant ainsi, officiellement la responsabilité de l’Etat Français dans l’horreur du Vel d’Hiv. Parallèlement au calvaire de Sarah, on découvre que pour les besoins d’un article, Julia Jarmond doit se renseigner sur ce funeste 16 juillet 1942. Elle découvre alors l’amnésie qui frappe la plupart des Français qu’elle rencontre. Bien plus qu’un simple roman, ‘Elle s’appelait Sarah’ remet les pendules à l’heure et semble tirer une sonnette d’alarme : non il ne faut ni minimiser, ni oublier un tel acte. Avec ce livre Tatiana de Rosnay émeut, enseigne et surtout rend un hommage poignant à ces familles décimées du jour au lendemain.

Zakhor. Al Tichkah. Souviens-toi. N’oublie jamais.

Maryse Georges

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