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Archives : éditoriaux « La Corse, premier morceau libéré de la France »

24 mai 2009
« La Corse premier morceau libéré de la France ». Le fait est ignoré. Il en va de la vérité historique mais aussi de l’honneur de la Résistance corse.

 

Après la motion des ANACR de Corse, Monsieur Gandolfi-Scheit, député de la Haute-Corse, saisissait le Ministre de l’Education Nationale le 15 mars 2008. Dans la question adressée au Ministre, il demandait que les programmes scolaires n’occultent pas que la Corse fut le premier département libéré de France (1). S’ensuivit la réponse du Ministre, Madame Valérie Pécresse : la libération de la Corse est « un cas important du processus résistant et patriotique auquel les enseignants peuvent se rapporter pour traiter de cette période de notre histoire ».

« Peuvent se rapporter »…

– une recommandation faite aux professeurs (et aux éditeurs de livres scolaires) de faire référence à l’insurrection libératrice de septembre octobre 1943
… pas une obligation car il n’existe pas de manuels scolaires officiels, en France comme dans tous les pays démocratiques ; mais seulement des livres rédigés « dans un cadre général des thèmes abordés par les éditeurs ».
Comment savoir ce qui est advenu depuis ? Seul, le respect par les éditeurs, de la chronologie de la libération du pays est tangible. Nous attendons la confirmation du progrès amorcé avec la livraison de la rentrée 2009.

Voilà pour l’Education nationale. Mais l’école n’est pas seule dispensatrice de savoirs et quand l’erreur est commise par des historiens et des Résistants parmi les plus qualifiés on peut pronostiquer qu’il sera difficile de faire prévaloir la vérité. Quelques exemples :

  • Jean-Louis Crémieux-Brilhac (Préface des mémoires de D.G Pléiade p. XXXV) :
    « Les Allemands n’ont pas perdu 600 hommes pour réduire le bastion des Glières, première parcelle libérée du territoire français… »
    NB : les Glières, c’était au printemps 1944.
  • Jean-Louis Crémieux-Brilhac (La France Libre. Ed Folio histoire T2 p. 1172)
    A propos encore de la résistance des Glières : « …460 maquisards qui les premiers depuis 1940, hissent les couleurs sur une fraction de notre sol et qui succombent, héros et victimes d’une décision controversée : le choix contraire aux règles de la guérilla, de tenir coûte que coûte un réduit ».
  • Serge Ravanel (les valeurs de la Résistance. Ed. Privat p.40)
    « Il (De Gaulle) sut déjouer l’opération (L’AMGOT) en installant publiquement son premier préfet à Bayeux dans les jours qui suivirent le débarquement… (Il s’agissait de François Coulet) ».
  • Daniel Cordier : (La république des catacombes Ed. Gallimard 1999. p. 657).
    « C’est alors, (à Bayeux) que le général D.G. prononça son premier discours en terre de France ».
  • Et tout récemment, dans un coffret DVD « De Gaulle ou l’éternel défi », réalisé par Jean Labib d’après l’œuvre de Jean Lacouture et distribué par TF1 Vidéo, la Corse a tout simplement disparu de la carte de France. Et très logiquement dès lors, le réalisateur peut affirmer que « De Gaulle, en juin 1944, a installé le premier préfet de France, François Coulet ».

Qu’elle est affligeante cette obstination à répandre l’erreur mais nous la corrigerons avec autant d’obstination ! C’est bien à Ajaccio que De Gaulle nomme en septembre 1943 le premier préfet de la libération, Charles Luizet, et il lui adjoint un certain François Coulet, secrétaire général. Forts de leur expérience corse, ils seront l’un à Paris et l’autre en Normandie, préfets des territoires libérés… en juin et août 1944 !!!

Nous nous obstinerons à rappeler l’impact qu’a eu la libération de l’île sur l’opinion publique hors de Corse. En cet automne 1943, la Royal Air Force lache, par centaines de mille, dans le ciel de France métropolitaine, un opuscule où il est écrit : « La préface corse ne peut faire que bien augurer de ce qui se passera en France (…). La libération de la Corse fournit un exemple éclatant –qui sera suivi de beaucoup d’autres- des résultats remarquables auxquels peuvent arriver des bandes de patriotes… ».
Le pays est toujours occupé, lorsque le 15 mars 1944, le Conseil National de la Résistance publie un plan d’action immédiate pour hâter la libération de la France. Il forme « l’espoir que les opérations de la libération du pays, prévues par le plan de l’état-major interalliés, pourront ainsi être le cas échéant, avancées grâce à l’aide apportée par les Français dans la lutte engagée conte l’ennemi commun, comme l’a démontré l’exemple glorieux des patriotes corses ». L’évènement eut un retentissement national, De gaulle dira « La France entière en a tressailli » .Et s’il fallait encore prouver que la libération de la Corse, sans être le tournant de la guerre, a fait « chaud au cœur » des Résistants, c’est à Pierre Mendès-France que nous laisserons le mot de la fin : « L’idée qu’un petit morceau de France était libéré me causa une émotion religieuse ».

Voilà la vérité. Il faut rendre à la résistance corse le mérite qui lui revient. Sans forfanterie ni nombrilisme parce que nous savons ce que la libération de l’île doit au hasard des circonstances de la guerre et du déplacement des lignes de front. Cette part de hasard n’avait pas échappé à De Gaulle : « la Corse, dit-il, a la fortune et l’honneur, d’être le premier morceau libéré de la France ». La fortune bien sur parce que le sort aurait pu en décider autrement ! Mais qu’on lui laisse l’honneur !

  1. Le Général De Gaulle a sans doute préféré « premier morceau de France libéré »plutôt que « premier département » parce qu’il existait bien trois départements français en Algérie mais qui étaient bien différents des autres départements par le fait que les habitants n’avaient pas les mêmes droits économiques sociaux et politiques : seule une minorité d’entre eux, les européens, étaient des citoyens.

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