Sur 1038 Compagnons de la Libération les Corses en compte une trentaine – la moitié nés en Corse, les autres d’origine corse. Une remarquable et honorable représentation.* Parmi eux, Charles SANTINI.

Avec les troupes coloniales, en Afrique du nord et au Levant.

Charles SANTINI est né le 30 avril 1912 dans une famille d’agriculteurs, à Velone d’Orneto en Corse. Signe du destin qu’il ne découvrira que plus tard, le « 30 avril » est une journée hautement symbolique au sein de la Légion étrangère qui commémore, avec faste, l’héroïque bataille de Camerone au Mexique en 1863.

Dès l’âge de 18 ans, le 25 novembre 1930, il souscrit un contrat d’engagement de cinq ans pour servir dans les Troupes coloniales. C’est ainsi qu’il est affecté, à la même date, au 8° RTS (Régiment de Tirailleurs Sénégalais) qui tient garnison à Tou­lon et Marseille. Au cours de son instruction de base il se révèle un excellent soldat, volontaire, robuste et discipliné. De ce fait, il est choisi pour servir au prestigieux RICM (Régiment d’infanterie coloniale du Maroc) – l’unité la plus décorée de l’armée française – qu’il rejoint le 30 juin 1931 au Maroc. Arrivant en fin de contrat le 24 novembre 1935, il décide de ne pas rengager et se retire en Corse.

Deux ans plus tard, il est à Bordeaux où il se lasse rapidement de la vie civile. Avide d’action, il s’engage sous identité italienne dans la Légion étrangère. Le 9 décembre 1937, il signe un contrat de 5 ans et est dirigé sur Sidi Bel Abbés où il servira jusqu’à sa mutation au 3° REI (Régiment étranger d’infanterie) le 25 janvier 1939. Rectifié dans la nationalité française, il retrouve alors son ancienneté de service, puis se voit affecté au 6° REI (Régiment étranger d’infanterie) le 14 novembre 1939. Cette unité, créée en octobre 1939, déployée au Moyen-Orient (Liban et Syrie) est fidèle au régime de Vichy. Opposée aux Forces Françaises Libres en juin et juillet 1941, elle voit plusieurs légionnaires déserter et se rallier au général de GAULLE pour continuer le combat contre les allemands. Charles SANTINI fait partie de ceux-là.

A partir de l’été 1941, avec les FFL, en Lybie, Egypte et Tunisie

Le 24 juillet 1941, il signe un nouvel engagement pour la durée de la guerre au titre des Forces Françaises Libres, et est affecté à la 13° Demi-brigade de Légion Etrangère (13° DBLE). A partir de cet instant, la carrière militaire du légionnaire SANTINI va s’identifier à celle de cette magnifique unité, déjà auréolée de gloire lors des campagnes de Narvik en 1940 et d’Erythrée en 1941.

Nommé caporal le 30 avril 1942, il prend part à la bataille de Bir-Hakeim. Du 26 mai au 11 juin 1942, la 13° DBLE qui fait partie de 1re Brigade française libre, tient tête à l’Afrika Korps et à ses alliés italiens sur le front de Libye. Les français ne décrochent de la position de Bir-Hakeim qu’après avoir permis le repli des troupes britanniques. Lors de la percée de sortie, le caporal SANTINI, au coté de son chef de section, se distingue en faisant cinq prisonniers. Une citation à l’ordre de la division récompense le courageux gradé qui se voit nommé caporal-chef le 14 juillet 1942.

En octobre 1942 il est en Egypte, participe à la bataille d’El Alamein, puis à la difficile attaque du piton de l’Himeimat où tombe le chef de corps de la 13° DBLE. Poursuivant son périple par Tobrouk, par Tripoli, par Benghazi, il arrive en Tunisie et prend part à la bataille de Takrouna en mai 1943. Le 20 mai, la 1 ère Division Françaises Libre (1 ère DFL) et la 13° DBLE dont il fait partie, défilent victorieusement à Tunis.

Du printemps 1944 au printemps 1945, la campagne d’Italie et celle de France qui s’achève par une blessure

Le 5 juin 1943 il est nommé sergent et se prépare, en Tripolitaine puis en Tunisie, à la campagne d’Italie. Le 20 avril 1944 il débarque à Naples et, toujours avec la 13° DBLE au sein de la 1 ère DFL, est engagé dans le Garigliano, tra­verse Rome, fonce sur la Toscane et arrive devant le sommet du Radicofani. Les combats sont rudes. Le 21 mai au soir, dans une contre-attaque sur un piton, le sergent SANTINI entraîne son groupe en avant, fonce mitraillette au poing et emporte la position au corps à corps. Une citation à l’ordre de l’armée récompense cet héroïque fait d’armes.

Nommé sergent-chef le 1er juillet 1944, il participe au débarquement de Provence à Toulon, en août 1944, puis remonte vers le Nord dans la vallée du Rhône, entre à Lyon le 3 septembre et libère Autun le 9. Dans le Doubs, lors des difficiles combats du plateau d’Ornans, à l’est de Dijon, il se distingue le 21 septembre en allant chercher sous le feu, son chef de section grièvement blessé, resté sur le terrain. Une citation à l’ordre de la brigade vient récompenser son courageux comportement.

Poursuivant son périple avec la 13° DBLE, il se bat à Belfort, à Massevaux, à Rougemont-le-Château, puis en Al­sace. Le 1er novembre 1944, à Illhausern (entre Colmar et Sélestat), il s’empare pat surprise d’une importante position, et enraye la progression de l’ennemi en lui infligeant de lourdes pertes.

Un mois plus tard, le 3 décembre au Hohwald (localité située au nord-ouest de Sélestat), il entraîne sa section dans un assaut, force le barrage de deux mitrailleuses, et continue sa progression après avoir éliminé tout adversaire. Ces deux actions d’éclat sont sanctionnées par une belle citation à l’ordre de la division.

Le 25 novembre il arrive sur le Ballon d’Alsace où la 13° DBLE chasse les allemands de leurs positions, puis participe à la réduction de la poche de Colmar du 20 janvier au 9 février 1945.

Après la Libération, quelques mois en Indochine et le retour à la vie civile en septembre 1946

Au début de mars 1945, la 1ère DFL avec en son sein la 13° DBLE, quitte l’Alsace et est appelée à intervenir sur le front des Alpes qu’elle rejoint le 15 mars et passe à l’offensive le 2 avril. Le 14 avril, dans le massif de l’Authion (Alpes du sud), le sergent-chef SAN­TINI dirige ses hommes à l’attaque des casemates de la rivière Déa. Après les avoir prises, il monte, avec quelques hommes, sur le piton de la Gonelle sous un tir ajusté d’armes automatiques. C’est à ce moment là, qu’il est grièvement blessé à la jambe gauche par un éclat d’obus. La baraka dont il avait bénéficié pendant toute la guerre l’a abandonné.

Le 24 avril 1945, il se voit conférer la Médaille militaire avec une très élogieuse citation à l’ordre de l’armée qui résume son extraordinaire parcours d’homme de guerre :

« Sous-officier d'élite qui ne cesse de se distinguer à chaque combat par son courage et son allant remarquables. Engagé à la 13° DBLE le 24 juillet 1941, a participé à tous les combats depuis cette date. A gagné tous ses galons au feu. Cité à Bir Hacheim, en Italie, puis en France. Vient encore de se distinguer aux combats d'Illhausen (Alsace) du 23 au 26 janvier 1945 par son courage et son dynamisme digne d'éloge » « Cette concession comporte l'attribution de la croix de guerre 1939-45 avec palme ». Signé Général de GAULLE.

La victoire finale étant acquise le 8 mai 1945, il est nommé adjudant le 14 juillet. La grande unité qu’était la glorieuse 1ère DFL est dissoute le 15 août. La 13° DBLE quitte alors la France et arrive en Tunisie le 16 août 1945. Quatre mois plus tard, c’est sur ce territoire que l’adjudant SANTINI a l’agréable surprise d’apprendre qu’il est fait Compagnon de la Libération par le général de GAULLE, en vertu d’un décret en date du 17 décembre 1945. Ainsi, il rejoint le cercle très restreint des 96 héroïques officiers, sous-officiers et légionnaires de la 13° DBLE, Compagnons de la Libération – bien souvent à titre posthume – dans cet ordre prestigieux qui n’en compte que 1061.

La paix revenue en Europe, SANTINI rengage pour deux ans et 40 jours, toujours au titre de la 13° DBLE, afin de pouvoir servir en Extrême-Orient où les intérêts français sont menacés en Indochine. Quittant la Tunisie avec la 13° DBLE, il débarque à Saigon le 10 mars 1946, et se voit nommé adjudant-chef le 1er avril. Âgé alors de 34 ans, souffrant de sa blessure à la jambe, il demande à bénéficier de la loi de dégagement des cadres, rejoint Sidi Bel Abbès (Algérie) le 14 septembre 1946 et est rayé des contrôles de l’armée active le 30 décembre 1946. Le 30 décembre 1949, une nouvelle citation à l’ordre de l’armée lui est attribuée (JO des 16 et 17 janvier 1950). Cette dernière récompense son comportement lors des combats du massif de l’Authion où il a été blessé en avril 1945.

L’adjudant-chef Charles SANTINI est un sous-officier d’élite, extraordinaire entraîneur d’hommes, donnant l’image d’un combattant exemplaire au courage sans faille. C’est au combat, par ses qualités et ses faits d’armes reconnus, qu’il a gagné tous ses galons entre 1942 et 1946. Son parcours exemplaire mérite le respect, l’admiration, et constitue une incontestable référence pour les jeunes générations de sous-officiers d’active.

 

Lieutenant-colonel (er) Raoul PIOLI

Lien :  Documentaire de 10 mn retraçant le parcours de l’adjudant-chef SANTINI, parrain de la 345° promotion de sous-officiers d’active, proposé par la Fédération des anciens combattants 1939-45, TOE, AFN et Opex de la Corse.

https://youtu.be/mBkijnWLnFw

Sources: ESS de l’intéressé (Merci à M. le directeur de l’ONAC/2A et à madame POLI), sites intemet sur Les Compagnons de la Libération et Les Français Libres. Ouvrages le « Livre d’or de la Légion Etrangère » (éditions Lavauzelle 1976) et « 1061 Compagnons de la Libération » de J-C Notin (éditions Perrin, avril 2000). Renseignements oraux et documents obtenus auprès de madame Jacqueline SANTINI, fille l’intéressé.

Notes complémentaires de l’auteur.
1 – Rendu à la vie civile en janvier 1947, Charles SANTINI obtient un emploi dans une manufacture de tabac à Marseille. Marié en juin 1947, père de trois filles, il perd son épouse en 1984 et voit, peu après, son état de santé le contraindre à une hospitalisation au Val de Grâce à Paris, où il s’éteint le 18 mai 1986 à l’âge de 74 ans. Incinéré au Père Lachaise (Paris), ses cendres reposent dans le caveau familial à Marseille où réside toujours une de ses filles.
2 — La Nation reconnaissante, n’oubliera pas les éminents services de guerre de l’adjudant-chef en retraite Charles SANTINI : il sera nommé chevalier de la Légion d’honneur par décret en date du 14 décembre 1950, puis promu officier dans le même ordre, par décret du 3 juin 1962.
3 – L’Ordre de la Libération est institué par le général de Gaulle en 1940 afin de récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se sont signalées dans l’œuvre de libération de la France et de son Empire. Deuxième ordre national français après la Légion d’honneur, il ne comporte qu’un seul titre, celui de Compagnon de la Libération et un insigne unique, la croix de la Libération.

* Au total, 1 061 croix de la Libération ont été décernées : 1038 à des personnes physiques (dont 270 à titre posthume), 18 à des unités militaires et 5 à des communes françaises. Ce nombre restreint d’attribution donne à l’Ordre de la Libération un caractère exemplaire et fait de la croix de la Libération, la distinction française la plus prestigieuse au titre de la Seconde Guerre mondiale. Sur les 1038 compagnons de la Libération,17 sont nés en Corse et 15 sont d’origine corse par leurs familles.